Iron ButterfliesAnatomie d'un crash

Le 17 juillet 2014, dans l’après-midi, le Boeing MH17 de la Malaysia Airlines, qui a décollé d'Amsterdam à destination de Kuala Lumpur avec, à son bord, 283 passagers et 15 membres d'équipage, est abattu lors de son survol de l’est de l’Ukraine, au-dessus de la province du Donetsk. Alors que Vladimir Poutine a déclenché quelques mois plus tôt le conflit du Donbass, la zone est contrôlée par les séparatistes, soutenus par les forces russes. Mais Moscou nie farouchement toute implication dans la tragédie, affirmant que les milices ont détruit un appareil militaire ukrainien, puis attribuant cyniquement à Kiev la responsabilité de la mort des 298 victimes civiles avérées. L’équipe internationale d’investigation dépêchée sur place ne laissera pourtant bientôt plus planer le moindre doute : le crash a été provoqué par un missile Buk, fierté de la technologie militaire russe. Huit ans plus tard, le 17 novembre 2022, deux Russes et un Ukrainien seront reconnus coupables de meurtre et condamnés à perpétuité par la justice néerlandaise. Mais les trois hommes, absents lors du procès, ne sont pas près de purger leur peine, leur extradition – ils se cacheraient en Russie – paraissant hors de portée, au grand désespoir des familles de victimes.

Catastrophe annoncée
"Le succès des guerres modernes dépend de la fiabilité de la défense aérienne et de l’efficacité des forces terrestres", assène la promotion russe des lance-missiles Buk. Procédant à l’anatomie de la tragédie du vol MH17, assimilée à un crime de guerre par l’ONU, à travers des images d'archives, des écoutes téléphoniques, des cartographies et des extraits d’émissions de télévision, le réalisateur ukrainien Roman Liubyi s’emploie à montrer combien cette catastrophe annoncée en préfigurait une autre, celle du conflit qui ensanglante son pays depuis février 2022. Au fil d’un collage kaléidoscopique incluant des séquences fictives en noir et blanc mises en scène et chorégraphiées, son récit, qui mêle débats d’experts et témoignages poignants, notamment d’un membre néerlandais d’une famille endeuillée, met ainsi en regard l'alarmant signal du crash et la clémence d’alors envers Moscou, fournisseur de gaz pour l’Europe, en même temps que la propagande russe et la quête de vérité. Un film manifeste et un hommage aux victimes auxquelles le documentaire est dédié.