Olivier Père

M*A*S*H de Robert Altman

ARTE consacre la soirée du 1er octobre à Robert Altman avec deux films. Son plus célèbre, M*A*S*H (1970) à 20h50 et un titre moins connu en deuxième partie de programme : Fool for Love (1985), réalisé alors que le cinéaste américain est au creux de la vague avant son spectaculaire retour sur le devant de la scène avec The Player en 1992. Il s’agit d’un film écrit et interprété par Sam Shepard d’après sa propre pièce de théâtre, avec à ses côtés Harry Dean Stanton et une débutante nommée Kim Basinger. Fool for Love fut produit par le Cannon Group à l’époque où la firme indépendante de Menahem Golan et Yoram Globus spécialisée dans le cinéma d’exploitation cherchait à développer une politique éditoriale plus prestigieuse en embauchant des auteurs internationaux de renom.

Des emplois à la télévision, de longues années d’apprentissage ingrat, d’anonymat et d’insuccès distinguent Robert Altman des wonder boys du Nouvel Hollywood comme Francis Ford Coppola ou Martin Scorsese, qui ont vingt ans de moins que lui et connaîtront des carrières plus fulgurantes. Les premières tentatives au cinéma (The Delinquents en 1957, Countdown en 1968 et That Cold Day in the Park en 1969) se solderont par des échecs. En 1970, Il accepte de mettre en scène M*A*S*H après que le film a essuyé le refus d’une douzaine de cinéastes prestigieux, indisponibles ou effrayés par le contenu scandaleux du scénario. Il a quarante-quatre ans et c’est la gloire, enfin. Cette comédie antimilitariste se déroulant pendant la Guerre de Corée obtient la Palme d’Or au festival de Cannes, remporte un triomphe et consacre Altman comme un des auteurs les plus originaux du nouveau cinéma américain. Le film joue la carte de la contestation, en phase avec la mode hippie et l’infiltration de la contre-culture jusque dans les grands studios hollywoodiens. M*A*S*H relate la vie dans un hôpital de campagne en Corée, mais il fut tourné alors que les combats s’intensifiaient au Viêt-Nam et personne ne fut dupe sur la nature de la guerre décrite par Altman. Le film s’inscrit dans la tradition des récits guerriers insistant sur la truculence de la vie de garnison, dans la lignée de ceux de Walsh par exemple. L’antimilitarisme devient une valeur ajoutée, ainsi que l’anticléricalisme à la faveur d’une parodie de la Cène et des portraits d’un aumônier ridicule et d’un officier bigot, stupide et hypocrite. Si le film est révolutionnaire, c’est avant tout par ses partis-pris formels extrêmement audacieux. La mise en scène et les innovations sonores et visuelles d’Altman se révèlent passionnantes. Altman pousse à son paroxysme un procédé déjà employé par Hawks, l’« overlapping dialogue », qui consiste à faire parler plusieurs personnages en même temps, jusqu’à la cacophonie. Renforcée par l’utilisation de nombreuses pistes sonores, associée à de très longs plans d’ensemble aux actions multiples, cette superposition installe un brouillage du sens qui rend parfaitement compte du chaos et de l’anarchie que le cinéaste, témoin cynique de son temps, s’amuse à enregistrer avec la complicité d’une troupe d’excellents comédiens, parmi lesquels Elliott Gould (qui réapparaîtra dans le cinéma d’Altman) et Donald Sutherland, déchaînés. Ces inventions formelles déjà en place dans le titre étalon du système Altman se retrouveront dans presque tous ses films suivants, qui confirment son talent et son souci de perturber les mythologies hollywoodiennes par une bonne dose d’ironie et de réalisme.

M*A*S*H* de Robert Altman (1970)

M*A*S*H de Robert Altman (1970)

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