Olivier Père

Un ange à ma table de Jane Campion

ARTE propose ce soir une programmation dédiée à Jane Campion, présidente du jury du Festival de Cannes, avec la diffusion de deux films : Un ange à ma table (An Angel at My Table, 1990) à 20h50 et Holy Smoke (1998) à 23h15. Les deux films seront disponibles en replay sur ARTE+7.

Un ange à ma table est sans doute l’un des films les plus marquants des années 90, deuxième long métrage de Jane Campion cinéaste néo-zélandaise issue de la télévision et révélée sur la scène internationale avec son premier film de cinéma, Sweetie en 1989. Un ange à ma table (qui existe aussi sous la forme d’une minisérie) relate la jeunesse de l’écrivaine néo-zélandaise Janet Frame (1924-2004.)

Un ange à ma table

Un ange à ma table

Divisé en trois chapitres, qui portent les titres des trois parties de l’autobiographie de Janet Frame (To the Is-land, An Angel at My Table et The Envoy from Mirror City) le film de Jane Campion retrace les débuts difficiles de cette femme, issue d’une famille nombreuse dans un milieu ouvrier, qui se distingue très tôt par ses dons littéraires et son goût pour la poésie. Lorsqu’elle étudiait à l’université avec le rêve de devenir enseignante, elle fut arbitrairement internée en hôpital psychiatrique et diagnostiquée schizophrène. Enfermée pendant huit ans, elle subira deux cents électrochocs et échappera de justesse à une lobotomie. N’ayant jamais cessé d’écrire, c’est sa notoriété grandissante et la chance d’avoir été publiée qui lui permettront enfin de quitter l’asile et de commencer une nouvelle vie, en voyageant en Angleterre et en Espagne.

D’abord marquée par le deuil, la dépression et l’exclusion, Janet Frame va connaître un tardif éveil des sens et une période de bonheur et d’accomplissement artistique, après avoir traversé un véritable enfer aux portes de la folie. Enfant et adolescente boulotte embarrassée par un physique ingrat, coiffée d’une improbable tignasse rousse, les dents gâtées par une consommation abusive de sucreries, Janet Frame se réfugiera dans un monde fantasmatique pour se protéger des vexations et n’abandonnera jamais ses rêves de littérature.

Ce film impressionnant adopte une approche immersive de la vie de Janet Frame, ne quittant jamais son point de vue sur le monde, poétique, parfois cauchemardesque mais toujours d’une grande honnêteté. Victime désignée d’une société qui a décidé de la ranger parmi les malades mentaux, la jeune femme témoigne sous sa fragilité et sa timidité apparentes d’une persévérance, d’un courage exceptionnel qui lui permettront de surmonter de nombreuses épreuves. C’est aussi à un exercice d’admiration totale que se livre Jane Campion, pour l’artiste et aussi la femme. D’admiration et d’identification, et l’on pourrait aisément imaginer Jane Campion déclarer « Janet Frame, c’est moi. » Le film développe une écriture et une esthétique « féminines », autour du refoulement puis de l’épanouissement de la sensualité de Janet Frame, qui souffrira longtemps de se sentir différente et mal aimée, mais dont les émotions exacerbées nourriront l’œuvre.

Janet Frame est interprétée par trois actrices différentes de l’enfance à l’âge adulte (Karen Fergusson, Alexia Keogh, Kerry Fox), toutes trois formidables.

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