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La bataille du Chili (1/3)L'insurrection de la bourgeoisie
97 min
Disponible jusqu'au 16/08/2026
- Sous-titrage malentendant
Les derniers mois qui ont précipité le Chili dans la dictature de Pinochet, ou "l'agonie d'un processus révolutionnaire", selon les mots du réalisateur, Patricio Guzmàn. Une fresque documentaire en trois volets, exhaustive et saisissante, qui contribue aujourd'hui à la sauvegarde d'une mémoire écorchée vive.
Depuis 1970, Salvador Allende, élu sous la bannière d'un socialisme révolutionnaire qui a enthousiasmé le peuple ouvrier, préside le Chili. Mais l'opposition de droite, notamment le parti démocrate-chrétien, largement assisté par la CIA qui voit d'un mauvais œil l'instauration d'un nouvel élan marxiste en Amérique du Sud, cherche par tous les moyens à renverser le gouvernement. Par la voix des urnes, d'abord : le renouvellement du Parlement en mars 1973 est l'occasion d'une offensive électorale de la droite, qui se traduit par un semi-échec : la coalition de droite n'a pas engrangé les 60 % nécessaires pour destituer constitutionnellement le président. Qu'importe. Puisque le processus démocratique ne joue pas à leur avantage, l'opposition et Washington entament une campagne de désorganisation du ravitaillement de la population, via la destruction des stocks et le sabotage des semailles paysannes. Les organisations fascistes, de leur côté, sèment le chaos social pour justifier un futur coup d'État. Le mouvement Patrie et Liberté, par exemple, bénéficie du soutien financier des grandes entreprises et du Département d'État à Washington, qui a également infiltré ses agents instructeurs dans les milices pour les former à la terreur. Le basculement de la classe moyenne dans l'opposition fascisante, via une grève des transporteurs qui bénéficie du soutien des étudiants catholiques et du parti démocrate-chrétien, enfonce le dernier clou dans le cercueil de la démocratie. Le 29 juin, une tentative de putsch est lancée par des officiers contre le palais présidentiel de la Moneda.
Le travail d'une vie
Tourné avec des pellicules fournies en France par Chris Marker, La bataille du Chili est un monument du documentaire, qui capte dans une saisissante fresque cousine du cinéma direct les derniers mois qui ont précipité un pays violemment divisé dans la dictature, ou, comme son réalisateur le qualifiera dans le quotidien Le monde, "l'agonie d'une expérience révolutionnaire". Alors tout jeune documentariste, Patricio Guzmán (Mon pays imaginaire, La cordillère des songes), qui a entrepris de filmer l'exercice du pouvoir socialiste dès 1970, ne sait pas encore qu'a débuté pour lui le travail d'une vie : la sauvegarde et la transmission d'une mémoire écorchée vive, traumatisée par la dictature de Pinochet. À l'époque, les caméras du cinéaste sont partout, des usines en débrayage où il immortalise les réunions d'ouvriers tentant de faire advenir une autogestion populaire en passant par l'effervescence insurrectionnelle de l'été 1973 dans les rues de Santiago, jusqu'au palais présidentiel en flammes que filme son monteur depuis le toit voisin des bureaux de la production, le jour du coup d'État. Guzmán et son équipe paieront eux aussi un lourd tribut à la dictature : après avoir été arrêté et emprisonné, le réalisateur s’exilera à Paris, où il réside toujours. Le dernier épisode de la trilogie, consacré à l'idéal d'un "pouvoir populaire" qui fut près de se concrétiser avant d'être écrasé par la répression, est dédié à son opérateur image, Jorge Müller Silva, arrêté par la police militaire de Pinochet en 1974 pour – à l'instar de milliers de Chiliens – ne jamais reparaître.
Réalisation
Patricio Guzman
Production
ATACAMA PRODUCTIONS
Producteur/-trice
Renate Sachse
Pays
France
Année
1975