Olivier Père

Les Pleins Pouvoirs de Clint Eastwood

Les Pleins Pouvoir (Absolute Power, 1997) marque une incursion réussie de Clint Eastwood dans le registre du thriller politique, dont il recycle certains codes pour mieux s’en distinguer, et livrer pour finir une œuvre personnelle. Le film est adapté d’un roman d’espionnage dont la trame a été largement remaniée par Eastwood et son scénariste William Goldman, célèbre pour avoir écrit Marathon Man et Les Hommes du président. Ce nouveau chapitre de la mythologie eastwoodienne permet à l’acteur-réalisateur d’exprimer quelques considérations intempestives contre toute forme d’abus de pouvoir et de comportement anticonstitutionnel. C’est l’un des multiples paradoxes de Clint Eastwood, libertarien convaincu, sceptique envers la moindre forme d’autorité, compréhensif avec les faiblesses humaines, mais qui ne cache pas son dégoût devant le manque de droiture morale. Il s’est octroyé un rôle d’un gentleman-cambrioleur proche de la retraite, témoin malgré lui du meurtre brutal de la maîtresse du président des Etats-Unis par ses gardes du corps. Après avoir songé prendre la fuite, l’homme de l’ombre décide de rester à Washington pour faire éclater la vérité, mettant par la même occasion sa vie (et celle de sa fille) en péril, malgré son habileté redoutable à évoluer sans laisser la moindre trace et à échapper à ses adversaires. Les Pleins Pouvoirs est d’abord une leçon de mise en scène à l’intérieur même du film, puisque le personnage d’Eastwood, Arsène Lupin moderne adepte du déguisement, réussit à organiser l’action et le déroulement du récit selon sa seule volonté, après avoir été placé dans la déplaisante situation de voyeur impuissant lorsqu’il assiste au crime derrière un miroir sans tain. Le titre du film devient particulièrement ironique, dans la mesure où Eastwood démontre que personne ne peut détenir les pleins pouvoirs, et surtout pas le président des Etats-Unis, à part peut-être lui-même, quand il dirige un film, maître du temps et de l’action.

Diffusion sur ARTE le dimanche 21 avril à 21h

Catégories : Sur ARTE

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