Olivier Père

Cycle Michael Haneke sur ARTE

A partir du 15 avril, Michael Haneke, qui fête ses 80 ans cette année, est à l’honneur sur ARTE .

Amour, Palme d’or au Festival de Cannes en 2022, est diffusé le mercredi 17 avril à 20h55.

Tous ses autres longs métrages de cinéma, à l’exception de Funny Games U.S., sont disponibles gratuitement sur ARTE.tv et la chaine cinéma d’ARTE sur YouTube du 15 avril au 14 octobre 2024, avec aussi un portrait documentaire, Code Haneke. Au cours du troisième trimestre, vous pourrez découvrir sur ARTE.tv des téléfilms inédits en version restaurée réalisés par Michael Haneke dans les années 70, 80 et 90, accompagnés d’une conversation avec le cinéaste sur ce pan encore méconnu, mais essentiel de sa carrière.

Enfin, ARTE éditions a sorti l’année dernière l’intégrale Haneke dans un coffret BR (quinze disques et de nombreux compléments).

En attendant de se replonger dans l’œuvre du cinéaste autrichien, voici quatre morceaux choisis dans sa filmographie.

 

Le Septième Continent (Der siebente Kontinent), 1989, est le premier film réalisé par Michael Haneke pour le cinéma, après ses années de formation à la télévision. Le cinéaste s’inspire d’une histoire vraie lue dans un magazine. Ce scénario lui permet d’expérimenter une approche nouvelle de la mise en scène. La structure et le mode de narration du Septième Continent reposent sur le principe de fragmentation, tant de l’image que du récit. Le film est divisé en trois parties, séparées de plusieurs mois entre elles. Les deux premières décrivent la routine quotidienne d’une famille de la classe moyenne. La dernière est consacrée à la destruction systématique par cette famille de ses biens et de son appartement, filmée avec la même distance glacée que les précédentes. En créant une tension extrême grâce à des cadrages très serrés, Haneke ne se contente pas de dénoncer l’aliénation de l’homme par le confort bourgeois et la possession d’objets. Il montre la « réification de la vie ».

 

Benny’s video, 1992, est le troisième film de cinéma de Michael Haneke, et vient clore sa trilogie de la « glaciation émotionnelle », appellation qui sera validée puis réfutée par le cinéaste autrichien. Benny’s video décrit l’intoxication à la violence d’un garçon de 14 ans qui collectionne les vidéocassettes et se retranche dans sa chambre, loin du monde réel. Son insensibilité le conduit à commettre un meurtre gratuit, enregistré par son installation audiovisuelle. Une fois de plus, Haneke s’inspire de faits-divers relayés dans les journaux, sur des adolescents meurtriers. Il s’intéresse à l’effacement de la frontière entre la réalité et sa représentation fictionnelle, la perte du moindre repère moral et à la « déréalisation du monde ». Le cinéaste refuse de participer à cette exploitation obscène de la violence qu’il dénonce et la filme hors-champ. C’est par le son, terrifiant, qu’il fait travailler l’imagination du spectateur.

 

Caché confirme en 2005 l’infiltration réussie de l’autrichien Michael Haneke dans le giron du cinéma d’auteur français. Il choisit deux vedettes populaires au sommet de leur talent, Daniel Auteuil et Juliette Binoche, et situe son histoire dans les milieux de la bourgeoisie intellectuelle parisienne. Le cinéaste ne renonce en rien à son style glacial et à sa charge morale, en se livrant à un véritable travail d’entomologiste de la culpabilité. Caché se présente comme un thriller psychologique. L’enquête déborde du cadre familial pour dévoiler le passé refoulé de la France coloniale. Il est tentant de considérer Caché comme un « giallo » franco-autrichien. La révélation progressive d’un trauma enfantin enfoui, des dessins enfantins effrayants, une menace invisible, un rasoir qui tranche une gorge, un geyser de sang… On reconnait les principaux motifs du chef-d’œuvre de Dario Argento, Les Frissons de l’angoisse. Il est pourtant difficile d’imaginer deux films plus différents.

 

A Calais, tandis que couve la crise des migrants, nous assistons à une série de catastrophes chez les Laurent, grande famille ayant fait fortune dans les travaux publics. Michael Haneke se livre à une critique implacable de la bourgeoisie, avec son manque d’amour et de communication, et son aveuglement. Happy End ausculte les secrets, les mensonges et les névroses de trois générations en pleine décadence. Haneke nous propose des tranches de vie découpées au scalpel, mises en scène avec sa rigueur glaciale habituelle. Son film correspond à une vision très personnelle, noire et grinçante, de la comédie de mœurs à la française. On a rarement l’occasion d’associer le mot « humour » à l’œuvre de Michael Haneke. Il n’est pourtant pas exclu que le cinéaste autrichien ait voulu nous faire rire en exposant les turpitudes de personnages aux cœurs secs en train de perdre pied, incapables de comprendre que leurs privilèges les étranglent.

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