Quoi qu’on pense de Claude Lelouch, souvent mal aimé des cinéphiles et de la critique de son pays, La Bonne Année (1973) est un film formidable. Au-delà de sa volonté de confronter un voyou machiste à un personnage de femme libérée, sujet dans l’air du temps au début des années 70, La Bonne Année est l’exemple le plus probant de la virtuosité de Lelouch qui donne ici le meilleur de lui-même. L’alchimie est parfaite. Le cinéaste trouve l’équilibre parfait entre son goût de l’improvisation, un duo d’acteurs irrésistibles (Lino Ventura et Françoise Fabian), un scénario astucieux et une mise en scène réglée au millimètre. C’est un titre à part dans la longue et inégale filmographie du cinéaste, qui possède un pouvoir de séduction exceptionnel et impressionne par son harmonie. On y sent à chaque plan le plaisir de filmer mais aussi une inspiration sans limite, et des idées qui visent juste. La Bonne Année rappelle, avec Le Voyou et La Vie, l’amour, la mort, que Lelouch a utilisé de manière profondément originale le flash-back dans ses films des années 70. La Bonne Année mélange avec beaucoup d’inventivité différentes natures d’images. Ainsi le film débute-t-il de manière ironique par la fin d’Un homme et une femme, projeté devant un public de prisonniers, qui le sifflent. Plus tard, Lelouch insère dans son montage des images mentales qui montrent des versions alternatives de l’action. Le cinéaste joue également sur la confusion entre passé et présent, retours en arrière et bonds en avant grâce à l’utilisation du noir et blanc et de la couleur. La Bonne Année regorge de trouvailles sidérantes, qui montrent un Lelouch maître de sa matière narrative et de son écriture temporelle, capable de faire passer plusieurs années de prison et une tranche d’Histoire de France avec un carton noir et deux ou trois phrases.
Comédie loufoque, romance sociologique, film noir, La Bonne Année est tout ça à la fois. Lelouch réitère son affection pour les voyous, les couples de maîtres et de valets, les rencontres improbables et les histoires d’amour impossible. La Bonne Année réinvente avec jubilation les codes du polar français avec la préparation à la fois minutieuse et rocambolesque du « premier casse psychologique », avec des plans que n’aurait pas renié Jean-Pierre Melville, mais avec beaucoup plus d’humour et d’excentricité. Il n’est pas anodin que La Bonne Année compte parmi les films français préférés de Stanley Kubrick, William Friedkin ou Sydney Pollack. Lelouch y marie l’expérimentation et l’émotion, y raconte une histoire simple avec des personnages attachants mais dont la structure et la chronologie se révèlent ludiques et savantes. La Bonne Année tient une place à part dans la filmographie de Lelouch mais aussi du cinéma français. C’est l’exemple parfait du film d’auteur populaire, un cas d’école dont la réussite tient du miracle et dont la recette n’est pas reproductible.
Diffusion mercredi 31 janvier à 20h55.
Egalement disponible gratuitement en télévision de rattrapage sur ARTE.tv du 31 janvier au 6 février 2024.
Itinéraire d’un enfant gâté (1988) compte parmi les films les plus populaires de Claude Lelouch. Il marque les retrouvailles entre le cinéaste et Jean-Paul Belmondo qui avaient tourné ensemble Un homme qui me plaît en 1969, certainement un des trois ou quatre meilleurs Lelouch, mais qui n’avait pas rencontré le succès escompté à l’époque.
En racontant cinquante ans de la vie d’un homme qui décide de rompre les amarres, Claude Lelouch signe un autoportrait à peine déguisé. Sam Lion, interprété par Jean-Paul Belmondo, est un ancien trapéziste reconverti en entrepreneur milliardaire (il a inventé une sorte de moto-crotte en patins à roulette), un visionnaire prêt à toutes les aventures, un amoureux de la vie et des rencontres qui se lasse de ses responsabilités professionnelles et familiales. Itinéraire d’un enfant gâté est né d’une brève dépression de Lelouch qui, plutôt que de renoncer à ses passions, a décidé d’en réaliser un film. Bien lui en a pris, puisqu’Itinéraire d’un enfant gâté compte parmi ses plus belles réussites, à la fois artistiques et commerciales. Il a embarqué avec lui Belmondo, en quête d’un nouveau grand rôle après plusieurs films qu’on qualifiera avec politesse de mineurs. On retrouve dans cet hymne à la liberté le goût de Lelouch pour le mélodrame, la comédie, les voyages, les exploits sportifs, les numéros d’acteurs qui se prêtent au jeu et à la fantaisie du cinéaste. C’est aussi un sympathique récit de transmission, dans lequel Belmondo prodigue à Richard Anconina des conseils de baroudeur de l’amour et des affaires.
Diffusion sur ARTE lundi 19 février à 20h55.
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