Olivier Père

Mad Dog Morgan de Philippe Mora

Mad Dog Morgan (1976) est un titre emblématique du cinéma australien (et plus précisément de « l’Ozzploitation », cette catégorie de films mal peignés), longtemps invisible en France où il était demeuré totalement inédit. Il est enfin disponible chez nous en Blu-ray, grâce à un nouvel éditeur indépendant, Intersections. Après une aussi longue attente, c’est peu de dire que nous ne sommes pas déçus. Le film est à la hauteur de sa réputation : violent, cruel, à la fois délirant et réaliste. ll relate la folle cavale de Daniel Morgan, un bandit de grand chemin dans le bush australien de la fin du XIXème siècle. Morgan est le plus célèbre « bushranger » (hors-la-loi) australien, aux côtés de Ned Kelly qui lui aussi eut droit à plusieurs « biopics », le plus célèbre étant interprété par Mick Jagger. Morgan, qui se rêvait en Robin des bois moderne, était réputé pour sa sauvagerie et son caractère insaisissable. Il échappa longtemps aux tentatives d’arrestation de la police, bénéficiant de la complicité de nombreux fermiers et informateurs. Cette biographie d’un personnage histoire, dont on mesure mal la véracité de faits, est érigée en chanson de geste, avec moult péripéties grotesques, violentes et épiques. Australien né en France, élevé dans le milieu de l’art moderne, Philippe Mora est un drôle de cinéaste qui a érigé le mauvais goût en véritable manifeste esthétique. Il suffit pour s’en convaincre de se souvenir des Entrailles de l’enfer, son premier film américain où un adolescent, né d’un viol démoniaque, se transformait en cigale géante. Et de Hurlements 2, de source sûre l’une des pires suites jamais réalisée. Devant la caméra de Mora, ce western bascule à plusieurs reprises dans le film d’horreur gore, le trip halluciné et la comédie bouffonne. Dennis Hopper, alors au zénith de sa période de folie et d’addictions en tous genres, trouve un rôle à sa démesure. A ses côtés, on a le plaisir de retrouver David Gulpilil, acteur aborigène découvert dans La Randonnée de Nicolas Roeg. Comme souvent avec le cinéma australien, l’importance de la nature hostile et grandiose est primordiale. On sent l’influence de Sam Peckinpah dans certaines scènes mais le film possède sa propre personnalité, et elle est étonnante.

 

Intersections propose Mad Dog Morgan dans une version restaurée, avec des compléments de qualité : long et passionnant entretien avec le réalisateur, images d’archives. Un spécialiste du cinéma australien resitue le film dans le contexte de sa production.

Catégories : Actualités

3 commentaires

  1. Bonjour Olivier Père,

    Votre présentation de ce film australien me fait penser à un film de Richard Franklin (australien lui aussi) datant de 1981 et intitulé en français « Déviation mortelle ». Le titre original est « Roadgames » et met en scène Stacy Keach, qui joue un camionneur sur les routes de Perth qui traque un éventuel sérail-killer s’en prenant à des jeunes femmes. Le rôle principal féminin est tenu par une juvénile Jamie Lee Curtis, auréolée du succès de « Halloween » de John Carpenter.
    Connaissez-vous ce film australien ? Et pensez-vous qu’il puisse être rattaché à l’Ozzploitation ?
    Encore bravo pour votre blog, et pour votre engagement en faveur du cinéma.

    • Olivier Père dit :

      Bonjour,
      merci pour votre message
      Oui Roadgames est un autre fleuron de l’Ozzploitation. Richard Franklin, disciple australien d’Alfred Hitchcock, a aussi réalisé Patrick primé à Avoriaz. Il a poursuivi sa carrière à Hollywood avec moins de succès. Roadgames est son meilleur film. Un thriller très stylisé sur les routes d’Australie avec plusieurs scènes mémorables. Il est édité en blu-ray chez Studiocanal (collection Make my Day). J’en parlais ici
      https://www.arte.tv/sites/olivierpere/2019/01/13/deviation-mortelle-de-richard-franklin/
      bien à vous

  2. Jérôme GILARD dit :

    Merci beaucoup Olivier pour toutes ces précisions.
    Cela me donne très envie de découvrir sa filmographie.

    Très cordialement.

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