Olivier Père

Déviation mortelle de Richard Franklin

Grâce à la collection de Jean-Baptiste Thoret « make my day » on peut découvrir en blu-ray chez Studiocanal un titre majeur de la Ozploitation, Déviation mortelle (Road Games, 1981) de Richard Franklin. Longtemps invisible et un peu oublié, ce film vaut vraiment le détour.

Décédé en 2007 à l’âge de 58 ans, Richard Franklin fut un des principaux protagonistes du renouveau du cinéma australien à l’orée des années 80, avec les cinéastes Peter Weir, George Miller, Colin Eggleston, et le scénariste Everett De Roche. Ces auteurs talentueux s’exprimèrent presque tous dans le domaine du fantastique, ou de la science-fiction, et apportèrent avec des films comme Mad Max, Pique-nique à Hanging Rock ou Long Weekend de nouvelles visions, modernes et exotiques, d’histoires déjà abordées par le cinéma anglo-saxon. Né à Melbourne, Richard Franklin est un cinéphile précoce dont la vocation de cinéaste naîtra lors de la découverte de Psychose d’Alfred Hitchcock. Parti étudier le cinéma en Californie, le jeune Franklin rencontrera le Maître lors d’un débat après une projection de La Corde et aura ensuite l’occasion de travailler sur le plateau de L’Étau. De retour en Australie, Franklin est d’abord employé par la télévision avant de pouvoir mettre en scène des films. Son troisième long métrage, Patrick, primé au Festival d’Avoriaz, est un succès international.

Franklin réalise ensuite Déviation mortelle, un « road movie » en forme de thriller hitchcockien tourné en Australie avec deux vedettes américaines, Stacy Keach et Jamie Lee Curtis. Un conducteur de camion suit sur les routes de l’outback un homme qu’il suspecte être un tueur en série. Franklin et son scénariste Everett De Roche imagine une version sur roues de Fenêtre sur cour. A l’espace exigu de la chambre de James Stewart répond celui de la cabine du poids-lourd conduit par Stacy Keach. A travers son pare-brise il observe les agissements suspects du conducteur d’un van, comme James Stewart persuadé que son voisin d’en face a assassiné sa femme. L’idée brillante de Franklin repose sur le déplacement d’une fiction délimitée dans un espace clos vers un film où le héros doit traverser le désert australien en camion pour livrer de la viande congelée d’une ville à une autre. L’unité de lieu est rompue et pourtant le jeu du chat et de la souris dans lequel le héros est piégé par son voyeurisme au cœur des immenses paysages, hostiles et désertiques, du bush australien. Déviation mortelle n’est pas un thriller comme les autres. Les auteurs nous transportent de surprises en surprises, en procédant à de nombreuses ruptures de ton ou de style. Le personnage interprété par Stacy Keach n’a absolument rien de conventionnel. C’est un aventurier philosophe qui parle beaucoup, davantage qu’un homme d’action. Sa logorrhée s’adresse souvent à son seul compagnon de route, un dingo taciturne. A côté de l’interprétation excellente de Stacy Keach, la mise en scène de Franklin est elle aussi surprenante. Certaines scènes rejoignent la virtuosité de De Palma, Carpenter, Argento ou Miller, autres cinéastes de la même génération influencés par Hitchcock. Le thème du regard est poussé jusqu’aux limites de l’hallucination, avec des scènes psychédéliques réussies. Cocktail d’humour noir et de cascades formidablement réglées, Déviation mortelle possède les qualités particulières du cinéma de genre australien des années 80, baroque et sauvage, avec des détails insolites et une angoisse poisseuse.

 

 

 

 

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