Olivier Père

Céline de Jean-Claude Brisseau

Moins de six mois après la disparition de Jean-Claude Brisseau, l’œuvre du cinéaste français connait une nouvelle actualité avec la réédition de cinq de ses films majeurs (Un jeu brutal, De bruit et de fureur, Noce blanche, Céline, L’Ange noir) en DVD et Blu-ray, mais aussi en salles pour trois d’entre eux, en attendant la rétrospective intégrale prévue à la Cinémathèque en avril 2020. On peut regretter qu’une telle redécouverte survienne à titre posthume. On peut aussi se réjouir de voir ces films magnifiques de nouveau disponibles dans des conditions optimales.

Réalisé après le triomphe commercial et critique de Noce blanche, Céline (1992) avec Isabelle Pasco et Lisa Hérédia – sa muse et sa compagne de toute une vie, présente dès ses premiers films en super 8 – est un autre film majeur de Jean-Claude Brisseau qui aborde des questions métaphysiques et philosophiques à travers l’histoire d’une jeune fille suicidaire qui revient à la vie grâce à la méditation transcendantale et au yoga. Rares sont les cinéastes qui abordèrent le mysticisme de manière frontale, sans transiter par le prisme de la religion ou de l’art sacré, à l’opposé d’un Tarkovski par exemple. Brisseau parvient à capter les forces invisibles qui nous entourent, présentées ici sous un angle protecteur et non menaçant, comme dans la plupart des films fantastiques.

Après avoir consacré des films à la violence, la corruption et la passion destructrice (Un jeu brutal, De bruit et de fureur, Noce blanche), Brisseau s’intéresse à la bonté et à la grâce dans Céline. Il reprend dans ce film le motif de la jeune fille perdue sauvée par une figure d’autorité, ici une infirmière en place d’un professeur de philosophie. Le changement de sexe de l’ange protecteur donne naissance à une sororité inattendue, et à l’un des films les plus apaisés de Brisseau. Avec une grande économie de moyens, Brisseau touche au sublime. La pureté de sa mise en scène rejoint celle des grands maîtres spiritualistes du muet, en particulier Dreyer et Murnau, davantage que Bresson dont il refuse la froide austérité. Toujours à la lisière du mélodrame, Brisseau transfigure les ingrédients d’une histoire simple pour s’approcher des rivages de l’invisible et des mystères de l’âme.

 

Céline est disponible à la vente en DVD et en Blu-ray en version restaurée, édité par Gaumont.

Catégories : Actualités

Un commentaire

  1. Bertrand Marchal dit :

    Un metteur en scène extraordinaire. Le cinéma français a raté un grand auteur. Comme je regrette qu’il ne soit plus là. Tous ses films sont d’une sincérité, une candeur admirable dans leur sens de l’absolu. Il avait la foi, il filmait sans arrière-pensée, sans l’once d’une ironie, avec une pureté d’intention que d’aucun lui déniait.
    J’aime en particulier Un Jeu Brutal et la Fille de Nulle Part. Je vais essayer de revoir Céline.

    Une pensée pour lui et pour Emmanuelle Debever.

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