ARTE diffuse ce soir The Wrestler (2008) de Darren Aronofsky à 20h50. Nous aimons beaucoup Mickey Rourke, nous nous souviendrons toujours de son apparition angélique et fatiguée, sur sa moto et en noir et blanc. C’était un après-midi de février 1984, mois de la sortie de Rusty James en France. Icône instantanée des années 80 grâce au rôle du grand frère Motorcycle Boy dans le chef-d’œuvre de Coppola et du flic raciste de Michael Cimino (L’Année du dragon), Rourke devint une star en Europe où ses films (Neuf semaines et demi, Angel Heart – aux portes de l’enfer), son sex appeal et sa crédibilité d’acteur rencontrèrent plus d’écho qu’aux Etats-Unis. Un hypothétique plan de carrière fut de toute façon foutu rapidement en l’air par une propension au masochisme devant la caméra (Barfly) et dans la vie privée (fuck you attitude, reconversion catastrophique dans la boxe amateur, abus de chirurgie esthétique.) Pris dans un syndrome Actors Studio délirant Rourke semble combiner les pires tics de James Dean, Monty Clift et Marlon Brando réunis.
Défiguré et alourdi par on ne sait quelles substances chimiques, l’ancienne belle gueule conserve un semblant d’intégrité artistique et tout notre capital sympathie en continuant de hanter le cinéma américain avec des apparitions mémorables dans des films qui le sont moins (le détenu transsexuel de Animal Factory), ombre fantomatique ou double monstrueux de lui-même chez Coppola (le génial L’Idéaliste), Vincent Gallo (Buffalo 66’), Tony Scott (Man on Fire) ou le plus décadent des Tsui Hark (Double Team qui l’oppose à Jean-Claude Van Damme et Dennis Rodman).
Robert Rodriguez lui offre une composition mémorable dans Sin City mais c’est dans The Wrestler qu’il crève à nouveau l’écran et trouve son rôle le plus mémorable. Lion d’or à Venise, le film marque aussi le retour en grâce de Darren Aronofsky après le gros ratage de The Fountain. Le cinéaste adopte une mise en scène hyperréaliste et exploite non sans cruauté les parallélismes et effets de miroir qui existent entre le personnage du catcheur déchu, abimé par la vie, ses excès, ses erreurs et sa propre bêtise, et l’ex idéal masculin du cinéma des années 80. Rourke se prête au jeu et se révèle bouleversant, toujours profondément humain et vulnérable, sous sa carapace de monstre de foire. The Wrestler à le bon goût de ne pas tourner en dérision le petit monde du catch, malgré sa violence et sa vulgarité, mais d’en glorifier d’une certaine façon l’esprit de solidarité et le sens du spectacle, même sous une forme totalement dégradée. « Il n’y a pas de second acte dans la vie d’un Américain. » Cet adage de Fitzgerald a inspiré de nombreux films, dont The Wrestler qui parle moins de rédemption que du désir de retrouver sa dignité perdue et de donner un sens à sa vie, juste avant la nuit. Quelques scènes difficilement soutenables et empreintes de dolorisme malade, véritable chemin de croix reconstitué sur le ring, avec le sang et les épines, permettent la comparaison avec La Passion du Christ de Mel Gibson, cité dans les images et un dialogue de son film par Aronofsky, qui après le très beau Black Swan devrait bientôt dévoiler sa version de l’Arche de Noé.
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