Olivier Père

Schizophrenia de Gerald Kargl et Deranged de Alan Ormsby

Schizophrenia (1983)

Schizophrenia (1983)

Deux films, deux descentes aux enfers dans l’univers mental d’un tueur psychopathe, conjuguées à la description clinique de ses crimes. Schizophrenia (Angst, 1983) fut menacé d’interdiction par la censure française et se contenta d’une sortie confidentielle en vidéo au milieu des années 80. Ceux qui le découvrirent à l’époque furent surpris par sa violence mais surtout par sa mise en scène, constituée de long plans séquences et de mouvements de caméra à la steadycam accompagnant le psychopathe dans ses moindres mouvements. Avec cet essai quasi expérimental sur les vingt-quatre heures de liberté d’un sadique, inspiré de l’histoire vraie de Werner Kniesek, Gerald Kargl éprouve la résistance du spectateur, et dépasse les premiers manifestes théoriques de son compatriote Michael Haneke sur la représentation de la violence et les réminiscences de la barbarie en Autriche. Mais c’est sans doute à Ulrich Seidl que l’on pense le plus en revoyant Schizophrenia. Et son réalisateur, le mystérieux Gerald Kargl, né en 1953, a disparu de la circulation.

Ce film bénéficiant d’un culte très confidentiel depuis sa réalisation et sa distribution est enfin disponible en DVD et en blu-ray grâce à l’éditeur Carlotta qui le ressort ders oubliettes du cinéma d’exploitation européen auquel il se rattache que superficiellement, dans une édition collector disponible le 4 juillet, avec le parrainage du cinéaste Gaspar Noé. Quand nous étions programmateur à la Cinémathèque française, nous avions accouplé Schizophrenia, à l’occasion d’un double programme cinéma bis consacré aux tueurs psychopathes, avec un autre film maudit, Deranged. C’était le vendredi 20 novembre 1998 dans la petite salle provisoire des Grands Boulevards. Gaspar Noé était venu présenter Schizophrenia (un des ses films préférés) et avait invité les spectateurs à le rejoindre à l’avant première de son film Seul contre tous (une autre immersion dans un esprit malade, très inspirée par Schizophrenia) qui se déroulait le même soir, au cinéma Max Linder, à quelques mètres sur le même trottoir. Drôle de coïncidence pour les cinéphiles qui pouvaient dans la même soirée voir deux ou trois des films les plus dérangeants et glauques jamais réalisés.

Deranged (1974)

Deranged (1974)

Réalisé en 1974 au Canada, Deranged s’inspire de la biographie d’un serial killer du Wisconsin, Ed Gein, assassin, cannibale, nécrophile et « héros » déguisé de nombreux films depuis son incarcération en 1958 (parmi lesquels Psychose.) Le postulat de Deranged est de coller à la réalité des faits. Seuls les noms des personnages ont été modifiés ! Produit la même année que Massacre à la tronçonneuse, Deranged ne bénéficia pas du même retentissement que le film de Tobe Hooper. Lors de sa modeste distribution aux États-Unis, le film avait été amputé de ses scènes les plus sanglantes, exécutées par le maquilleur débutant Tom Savini (Zombie, Maniac). La réputation de Deranged, devenu invisible dans sa version intégrale, ne cessait de grandir dans le petit cercle des amateurs de films choquants. Au début des années 90, un producteur et distributeur de cinéma d’exploitation parvint à reconstituer une copie complète du film. On y découvre le faux Ed Gein en train de se livrer à d’insolites travaux manuels sur le cadavre d’une institutrice. Les réalisateurs de cette atrocité restent méconnus. Alan Ormsby débuta sa carrière comme scénariste de la comédie macabre de Bob Clark, Children Shouldn’t Play with Dead Things (1973). Bob Clark (Porky’s) aurait d’ailleurs brièvement collaboré au projet de Deranged avant de se retirer, effrayé par le caractère malsain de l’entreprise. Quant à Ed Gein, interné à vie dans une prison psychiatrique à haute sécurité, il mourut en 1984.

Catégories : Actualités

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *