Olivier Père

Le Sixième Sens de Michael Mann

Le Sixième Sens (1986)

Le Sixième Sens (1986)

C’est sans doute le plus inconfortable (et peut-être le meilleur) des films de tueurs en série. Michael Mann se lance avec beaucoup de fièvre et de talent dans les vertiges du thriller high-tech. Davantage qu’un manifeste esthétique, ce film est une aberration fascinante, un « sens interdit ».

Attention à ne pas confondre ce « sixième sens » millésime 1986 avec celui de Shyamalan et Bruce Willis. Le titre original est Manhunter, d’après le roman Dragon rouge de Thomas Harris soumis en 2002 à une nouvelle version plus commerciale et plus conforme aux souhaits du producteur Dino de Laurentiis, déjà aux manettes du projet tordu de Michael Mann.

Le Sixième Sens (1986)

Le Sixième Sens (1986)

Le Sixième Sens est emblématique du style de Michael Mann, transfuge de la télé qui a transformé ses premiers longs métrages de cinéma en laboratoires visuels et sonores, avec une prédilection bizarre pour les lumières électriques et les musiques planantes. Mann opère un curieux mélange d’artifices empruntés à la télévision, au clip et à la publicité et d’autres en provenance directe de l’art contemporain et de la modernité européenne. La recherche systématique de l’esthétisme débouche sur une déréalisation du moindre plan, et une discussion dans un supermarché nimbé de couleurs fluo mérite illico une installation au MoMA. Au-delà de l’obsession formelle, de quoi parle ce Sixième Sens ? Le récit s’articule autour du thème de l’identification du flic avec l’assassin qu’il traque. Cette déviance pathologique, déjà illustrée par plusieurs films « borderline » (Cruising, The Element of Crime, La Corde raide) est devenue ici une méthode de travail particulièrement dangereuse pour le héros, agent du FBI qui risque à chaque nouvelle enquête sa vie mais aussi sa santé mentale. Cette sensation de vertige provoquée par la proximité du Mal est rendue palpable par la mise en scène de Michael Mann. C’est, après le cuisant échec de La Forteresse noire, étrange tentative d’horreur goth psychédélique, le véritable film monstre du cinéaste, qui explore sans filet des territoires psychiques et visuels inédits, ouvrant la voie aux plus fortunés (question succès critiques et publics) Seven et Le Silence des agneaux, qui donnera la vedette au personnage d’Hannibal Lecter, ici en « guest star » pour sa première apparition cinématographique (sous le nom de Lecktor). C’est l’Ecossais Brian Cox qui prête ses traits au génie du crime amateur de chair humaine, alors que Mann souhaitait confier le rôle au cinéaste William Friedkin. Le même Friedkin qui accusera Le Sixième Sens d’avoir tout piqué à son Police fédérale, Los Angeles, à commencer par son comédien principal William Petersen.

Le Sixième Sens (1986)

Le Sixième Sens (1986)

Catégories : Actualités

Un commentaire

  1. Edouard NEVEU dit :

    Je viens de le revoir…. 36 ans après l’avoir vu au cinéma. A l’époque, Mann était inconnu, sauf peut-être pour les amateurs de séries TV US (qui ne valaient vraiment rien comparé à ce qui allait surgir 15 ans après), mais la thématique du profileur et de l’attirance pour le mal m’intriguait. Demme a fait beaucoup mieux juste après et Mann a lui fait de meilleurs films.
    Une belle photo dans l’ensemble et un scénario et une réalisation efficace mais tout ça est plombé par l’ambiance de modernité façon eighties, plutôt ridicule aujourd’hui dans les dialogues, costumes, coiffures et surtout la musique plombée par les synthés.
    Une curiosité pour les fans de Michael Mann.

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