Olivier Père

Le Lien de Ingmar Bergman

ARTE diffuse Le Lien (The Touch, 1971) lundi 16 août à 22h20. Le film est également disponible gratuitement en télévision de rattrapage sur ARTE.tv jusqu’au 15 septembre 2021. Ce sera l’occasion de revoir ou de découvrir un titre relativement occulté dans l’œuvre du cinéaste suédois, devenu assez rare sur les supports habituels. Le Lien est la première tentative de coproduction anglo-saxonne de Bergman, même si l’histoire retiendra davantage L’œuf du serpent, réalisé six ans plus tard avec des moyens importants, à Munich. Dans sa version originale, le film est partiellement tourné en anglais – les scènes avec Elliott Gould et Sheila Reid. Le Lien s’inscrit dans la veine intimiste et conjugale du cinéaste, avec un argument digne d’un vaudeville : le mari, la femme et l’amant. Le début du film se déroule sur un ton plus léger qu’à l’accoutumée, avec une satire du bonheur (et de l’ennui) marital, dans lequel Bergman ironise sur le confort moderne et l’apparente solidité d’un couple de la bourgeoisie intellectuelle et provinciale formé par Bibi Anderson et Max Von Sidow, dont les tranches de vie appartiennent à la veine naturaliste de l’auteur. L’arrivée d’un archéologue américain venu travailler sur un site en Suède va bouleverser l’existence banale de l’épouse. Les deux amants s’engagent dans une relation négative qui dévoile la nature maniaco-dépressive et névrotique de l’homme. Ce dernier, dont la quasi-totalité de la famille a péri dans les camps d’extermination, se révèle violent et autodestructeur, incapable de vivre avec sa maîtresse ou de la rendre heureuse. La guerre est souvent apparue de manière allégorique dans l’œuvre de Bergman. Elle est ici présente de manière biographique et ses séquelles participent à la détérioration des relations humaines de manière indirecte. La description d’une statue en bois sculpté de la Vierge, dont l’intérieur recèle des insectes parasitaires vieux de plusieurs siècles, apporte la signification profonde d’un film qui montre la décomposition d’un couple en même temps qu’une passion destructrice, double échec que devra surmonter le personnage de Bibi Anderson. Mal aimé au moment de sa sortie et décrié par Bergman lui-même qui aurait préféré Dustin Hoffmann dans le rôle finalement interprété par Elliott Gould, Le Lien mérite d’être réévalué à la hausse et préfigure Scène de la vie conjugale par sa cruauté et sa précision chirurgicale.

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