Olivier Père

Lisa et le diable de Mario Bava

En 1973 Mario Bava réalise Lisa et le diable (Lisa e il diavolo), l’un de ses titres le plus ambitieux dans lequel le cinéaste italien de la peur transforme une histoire de malédiction en un poème morbide et décadent. Lisa et le diable s’affiche clairement comme la conclusion d’un cinéma d’horreur gothique moribond auquel Bava a apporté dans les années 60 ses lettres de noblesse, avec des éclats modernistes. Mais personne à l’époque ne considère Bava comme un cinéaste important, et surtout pas dans son pays d’origine, l’Italie, où il est tombé dans l’oubli. Deux ans plus tard il n’y a toujours personne pour acheter le film et le producteur Alfred Leone parvient à convaincre Bava de dénaturer son chef-d’œuvre en y ajoutant des scènes de possessions diaboliques copiées sur L’Exorciste, de modifier le montage et de filmer une nouvelle fin, afin de profiter du succès international du film de William Friedkin. Lisa et le diable devient La Maison de l’exorcisme et se vend dans le monde entier. Le film, encore intéressant bien qu’incompréhensible, est emblématique du combat entre l’art et le commerce dans l’enfer du cinéma bis. Dans sa version originale et intégrale, finalement visible dans les années 90 grâce à l’édition DVD, Lisa et le Diable est un film fantastique en forme d’art poétique dans lequel Bava rompt avec le scénario classique pour s’abandonner à une sombre rêverie traversée de paradoxes temporels, composant de sublimes images cramoisies d’où semblent jaillir les effluves des corps en décomposition. L’action est confinée dans une vieille demeure baroque dans laquelle trouve refuge un groupe de personnages antipathiques et pervers. Telly Savalas y interprète le diable dans des habits de domestique et les invités du château se révèlent être ses marionnettes. Comment ne pas reconnaître dans ce personnage malicieux le discret Mario Bava, maître d’ombres et de lumières capable de filmer comme personne la peur, la mort et la folie, et qui aimait se venger d’acteurs trop nuls ou trop velléitaires en les transformant en pantins agités de pulsions violentes et dérisoires.

 

Lisa et le diable est disponible en combo DVD et Blu-ray dans la collection Mario Bava chez ESC. Avec les deux versions.

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