Olivier Père

Le Refuge de François Ozon

ARTE diffuse Le Refuge (2009) de François Ozon mercredi 5 février à 20h55. Avant de s’installer dans une maison au bord de la mer, le film débute dans un autre refuge, beaucoup plus mortifère et claustrophobe, celui d’un grand appartement parisien désert où un jeune couple se drogue. Lors d’une overdose, le garçon, Louis, meurt et la fille, Mousse, survit. À son réveil à l’hôpital, elle apprend en même temps que la mort de son compagnon qu’elle est enceinte de lui. Contre l’avis de la famille très bourgeoise de Louis, elle décide de garder le bébé. Réfugiée loin du monde, elle reçoit la visite de Paul, le frère de Louis, qui va passer quelques jours avec elle. Au-delà du souci de la vraisemblance, Ozon aime expérimenter dans ses films des situations un peu théoriques et les confronter à la réalité physique et psychologique des comédiens. Les huis clos et les récits minimalistes lui conviennent car ils lui permettent d’installer le petit laboratoire sentimental et cruel qui fait le succès de son cinéma. La maternité, ou plutôt le fantasme de la maternité, obsède François Ozon depuis longtemps. Mousse est le seul personnage qui vive sa grossesse de manière plutôt neutre, et même négative puisqu’elle est placée sous le signe du deuil. Le personnage de Louis (interprété avec beaucoup de charisme par Melvil Poupaud) hante le film, comme avant lui Bruno Cremer dans Sous le sable. Pour les autres, croisés au hasard, cette maternité est source de fascination, de désir ou de recherche de soi. La femme intrusive sur la plage agresse Mousse de ses questions et de ses conseils, un dragueur lui avoue son attirance pour les femmes enceintes (séquence étonnante et très réussie où l’on sent le désir du cinéaste, davantage que dans la bluette homosexuelle qui unit Paul à un sympathique garçon du village). On pourrait voir Le Refuge comme un remake bienveillant de Regarde la mer. Le film est l’histoire de plusieurs transferts. Une femme qui poursuit sa grossesse pour garder une trace de l’amant mort. Un homme qui s’intéresse à la compagne enceinte de son frère pour mieux s’interroger sur le mystère de ses propres origines, et éventuellement sa sexualité. Isabelle Carré trouve dans Le Refuge un des plus beaux rôles de sa carrière, et sa performance mérite tous les éloges. L’actrice était réellement enceinte au moment du tournage. Ce « gimmick » comme Ozon les affectionne n’est pas l’élément le plus impressionnant du film. Il confère bien sûr un surplus de réalisme au film, et permet au cinéaste de s’attarder sur les rondeurs de son héroïne, mais la dimension documentaire est pervertie puisque le personnage de Mousse vit une grossesse particulière, où le désir ou l’amour porté à l’enfant qui va naître semble évacué au profit du souvenir du défunt. Après l’incompris et sous-estimé Ricky (pourtant l’un de ses meilleurs films avec Le temps qui reste) et avant d’autres titres réjouissants des années 2000 et 2010, Le Refuge est une belle réussite supplémentaire du prolifique Ozon.

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