Olivier Père

Fog de John Carpenter

Avec Fog (The Fog, 1980), le cinéaste d’Assaut et de La Nuit des masques réalise une très belle histoire de fantômes, où il s’agit moins de faire peur à tout prix ou de multiplier les effets sanguinolents que de montrer une apparition surnaturelle de la meilleure façon possible.

Antonio Bay s’apprête à célébrer le premier centenaire de sa naissance. Mais les habitants de ce paisible port de pêche semblent ignorer que leurs ancêtres étaient des écumeurs qui fondèrent la ville grâce aux richesses pillées dans le navire en détresse dont ils provoquèrent le naufrage. Cent ans plus tard, les marins du vaisseau fantôme reviennent se venger, accompagnés d’un brouillard surnaturel. Cette histoire fantastique à l’ancienne se situe sous le haut patronage d’Edgar Allan Poe, H.P. Lovecraft et Robert Louis Stevenson mais aussi des souvenirs d’enfance de Carpenter grand lecteur des E.C. Comics et amateur de petits films de science-fiction comme The Crawling Eye. Fog demeure l’un des plus beaux films de John Carpenter qui n’a jamais aussi bien utilisé l’écran large et exploré les différentes façons de susciter la peur ou l’inquiétude en partant de presque rien et du quotidien. Le brouillard lumineux qui envahit régulièrement le cadre devient alors une métaphore astucieuse du fantastique selon Carpenter, un état intermédiaire entre le visible et l’invisible, une manifestation météorologique qui dissimule une essence maléfique. Carpenter se révèle un excellent disciple des poètes de la série B comme Jacques Tourneur, capable d’instaurer une atmosphère fantastique à l’aide d’éléments aussi ténus que le vent, la nuit ou le « fog », mais aussi de donner vie à des personnages en les dessinant très vite, telles des esquisses, sans les traiter comme dans la plupart des films d’horreur où les comédiens sont des pantins qui attentent leur exécution ou leur salut. Le brouillard ne sert pas seulement à masquer l’avancée des spectres meurtriers, il symbolise également la mauvaise conscience de la collectivité.  Le « fog » vient débarrasser les habitants de la culpabilité et des vilains secrets qu’ils n’ont pas voulu découvrir eux-mêmes. Fog raconte comment une petite ville américaine a prospéré en commettant un vol, un meurtre collectif et une trahison. Carpenter abordez les thèmes de la culpabilité, du mensonge et de la vengeance, mais d’une manière plus générale le cinéaste exprime des sentiments ambivalents envers la civilisation américaine et le capitalisme, ainsi que sa méfiance instinctive envers toute forme de communauté. Malgré les apparences, Carpenter n’est pas seulement un formaliste inspiré. A l’instar d’autres cinéastes américains de sa génération, son cinéma possède une dimension politique et critique indubitable, qui se transformera progressivement en hargne anarchisante.

Fog ressort en salles le mercredi 31 octobre en version restaurée, distribué par Splendor Films.

Studiocanal réédite à partir du 7 novembre Fog en Steelbook 4K Ultra HD + 2 BD et en Blu-ray haute définition. Cette édition propose plus de deux heures de suppléments avec la participation de John Carpenter, notamment pour un commentaire audio en compagnie de sa productrice de l’époque, Debra Hill.

Fog (1980)

Fog de John Carpenter

 

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