ARTE a diffusé Le Roi des rois (The King of Kings, 1927) de Cecil B. DeMille dans la nuit du lundi 2 au 3 avril dans une récente version restaurée de 2017. Il vous reste encore jusqu’au 1er mai pour le revoir ou le découvrir en télévision de rattrapage sur le site d’ARTE. Vous pouvez aussi vous procurer le coffret DVD et Blu-ray proposé à la vente par l’éditeur Lobster, qui a participé à la restauration et donne à voir le film dans ses deux différents montages.
La version longue de 154 minutes disponible sur le site d’ARTE est la plus proche du montage original intégral et contient en plus des scènes teintées deux sublimes séquences en Technicolor bichrome, procédé qui venait d’être inventé.
Le Roi des rois est l’une des superproductions muettes de Cecil B. DeMille qui vont asseoir la réputation du cinéaste, maître des films bibliques à grand spectacle. Après avoir essuyé plusieurs échecs commerciaux, DeMille démontre avec ce film qu’il est capable de bouleverser les foules et de créer des événements cinématographiques aux proportions gigantesques, destinés à devenir des triomphes publics. L’Ancien et le Nouveau Testaments inspirèrent à DeMille Les Dix Commandements en 1923 (avant son remake en couleur en 1956, ultime chef-d’œuvre du réalisateur), Le Roi des Rois et Le Signe de la Croix en 1932. Dans cet opus central, DeMille prend des libertés avec la Bible, notamment en ce qui concerne les personnages de Marie-Madeleine et Judas. Ces derniers semblent sortir des extravagants mélodrames mondains dont DeMille était l’un des spécialistes les plus doués. Marie-Madeleine organise de fastueuses réceptions et se déplace dans un char tiré par des zèbres, tandis que Judas est un ambitieux qui voit dans le charisme de Jésus un tremplin à sa carrière politique. DeMille fait le choix étrange pour interpréter le Christ d’un comédien anglais de théâtre et de cinéma, H.B. Warner, âgé de plus de 50 ans au moment du tournage. Malgré cela, l’acteur se révèle très convainquant à l’écran, avec ses gestes et sa stature hiératiques. Comme à son habitude, DeMille est aussi génial dans les immenses tableaux vivants et les déplacements de foule que les moments d’intimité et d’émotions simples, capable de faire vivre à l’écran le moindre figurant, le moindre personnage d’enfant. DeMille confirme également son aptitude à télescoper sans ménagement les genres au sein d’un même film. Ainsi, la spectaculaire séquence de la crucifixion sur le Mont Golgotha culmine avec un gigantesque séisme digne des meilleurs films catastrophe provoqué par la colère de Dieu, qui engloutit dans les entrailles de la terre les responsables de la mort du Christ. DeMille, dont la mère était juive allemande, prit grand soin lors de la préparation et du tournage de son film de ne pas offenser la communauté hébraïque, en évitant de stigmatiser les chefs religieux juifs et en désignant la politique romaine comme la principale cause de la condamnation de Jésus. Il n’empêche que DeMille décidera, après la sortie du film, de couper certains plans montrant la satisfaction des Pharisiens et du grand prête d’Israël pendant la crucifixion, pour calmer les protestations d’un influent rabbin américain. D’autres passages furent supprimés ou réduits afin de faciliter la distribution du film, qui circula à partir de 1928 dans sa version courte. Une occasion rêvée de découvrir ce chef-d’œuvre dans son intégrale splendeur.
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