Olivier Père

Le Flingueur de Michael Winner

Wild Side sort le 15 novembre une édition DVD+Blu-ray+livret du Flingueur (The Mechanic, 1972) de Michael Winner avec Charles Bronson et Jan Michael Vincent.

Le Flingueur est sans doute le meilleur film de Winner. C’est l’une des grandes réussites de sa collaboration avec Charles Bronson. Mais c’est bien plus que cela. Entaché par la mauvaise réputation de faiseur sans scrupules du britannique Winner, Le Flingueur compte pourtant parmi les thrillers les plus importants des années 70. Le Flingueur, écrit par Lewis John Carlino (scénariste de L’Opération diabolique de John Frankenheimer, autre film démythificateur) enterre le code d’honneur propre aux gangsters et autres hors-la-loi pour saluer la naissance d’un monde cynique, sans valeurs ni morale, déshumanisé, littéralement fasciste. Sans porter lui même de jugement moral ou condamner cet état de fait, ce qui transforme Le Flingueur en film ambigu, sans doute sous l’impulsion de Winner, cinéaste fasciné par la violence, la cruauté et les relations sadomasochistes. Le mot « mechanic » se traduit par « mécanicien », mais désigne dans le film un exécuteur, un spécialiste de la mort. Bronson interprète Bishop, un tueur à gage qui maquille ses contrats en accidents et ne laisse aucune trace de son intervention. « Aussi méthodique qu’une machine, aussi précis qu’un ordinateur », Bishop est une « mécanique », une machine sans affects ni sentiments qui accomplit à la perfection son métier, avec l’argent comme seule motivation. Comme l’Indien Chato dans Les Collines de la terreur (le premier film, lui aussi remarquable de l’association entre Bronson et Winner), Bishop est passé maître dans l’art de tuer et il accomplit chaque contrat avec un perfectionnisme, une imagination et une froideur imparables qui confinent au génie. Un génie maléfique cela va sans dire. Bronson prête son physique d’animal à sang froid et son visage impénétrable à Bishop. Le Flingueur est aussi le récit d’un dérèglement. Comme toutes les machines Bishop n’est pas à l’abri d’une panne. Il est victime de malaises et comprend que sa fin est proche. C’est la peur de la maladie qui va le pousser à choisir et à former un jeune disciple, encore plus amoral et cynique que lui (Jan Michael Vincent). Cette rencontre va précipiter sa chute, d’une manière aussi imprévisible que logique. Le scénario présentait clairement Bishop comme un homosexuel. Il fallut atténuer cette caractérisation pour que Bronson accepte le rôle. Mais le sous-texte érotique demeure de manière très prégnante dans le film. La relation entre les deux hommes, qui représentent le même individu à des âges différents de sa vie, ne laisse guère planer de doutes. Grande fiction comportementaliste (les quinze premières minutes, qui montrent comment Bishop exécute un contrat, sont dénuées du moindre dialogue) dans laquelle Winner peut se livrer à des expérimentations formelles qui renforcent la froideur du personnage principal, Le Flingueur est aussi une fable sur la trahison et la transmission impossible. La récente actualité Jean-Pierre Melville permet de vérifier la généalogie entre Le Flingueur et l’univers des films noirs du cinéaste français, en particulier Le Samouraï et son fétichisme glacé.

Charles Bronson dans Le Flingueur de Michael Winner

Charles Bronson dans Le Flingueur de Michael Winner

Charles Bronson et Jan Michael Vincent dans Le Flingueur de Michael Winner

Charles Bronson et Jan Michael Vincent dans Le Flingueur de Michael Winner

Charles Bronson dans Le Flingueur de Michael Winner

Charles Bronson dans Le Flingueur de Michael Winner

 

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