En 1973, Luchino Visconti conclut sa « trilogie allemande » commencée par Les Damnés et Mort à Venise avec Ludwig, évocation du destin de Louis II de Bavière, de son couronnement (1864) à sa mort (1886). Helmut Berger, amant et interprète de Visconti, incarne un Ludwig rêveur, visionnaire et poétique et livre la composition de sa vie.
Visconti conteste l’idée même de reconstitution historique, malgré le faste et le perfectionnisme qu’il accorde au moindre détail, notamment dans le choix des décors – le film fut essentiellement tourné dans les lieux où vécut le roi de Bavière. Ludwig s’apparente davantage à un essai sur le pouvoir qu’à un classique – aussi somptueux soit-il – film à costumes, avec son chapelet de vedettes internationales. C’est aussi une méditation sur le déclin de la culture humaniste en Europe, initiée dans Les Damnés. Visconti filme la mort des dieux, des princes, et l’arrivée des monstres. Les Damnés empruntait la forme d’une hallucination cauchemardesque, Ludwig celle d’un songe funèbre. Visconti fait régulièrement surgir de l’obscurité les visages de ceux qui distillent la parole officielle sur Ludwig (fou, malade, irresponsable, inapte à gouverner, décadent) après sa mort mais que le cinéaste désigne implicitement comme les assassins du monarque, retrouvé mystérieusement noyé. Il impose sa vision d’un Ludwig admirable en dépit de ses faiblesses, véritable héros de l’idéal post-romantique.
Le tournage titanesque accouche d’une œuvre monstre, sans doute la plus géniale de son auteur mais qui sera, une nouvelle fois, un véritable gouffre financier. Le film connaîtra de sévères coupes lors de sa distribution internationale et ce n’est qu’après la mort de Visconti que nous pourrons contempler cette œuvre grandiose dans une version de quatre heures, la plus proche possible de celle rêvée par le cinéaste grâce à l’acharnement de certains de ses proches collaborateurs, et qui circule désormais en salles et en DVD.
Rétrospective Luchino Visconti jusqu’au 12 novembre à la Cinémathèque française.
Ludwig y sera projeté une dernière fois vendredi 10 novembre à 14h30.
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