Olivier Père

Il était une fois… la Révolution de Sergio Leone

ARTE diffuse Il était une fois… la Révolution (Giù la testa, 1971) dimanche 19 novembre à 20h55.

Sergio Leone a inventé une nouvelle approche du western, destructrice et irrévérencieuse, à la fois réaliste et outrageusement stylisée. La filmographie de Leone débute donc sur le principe de la « tabula rasa » pour ensuite connaître un enrichissement à la fois thématique (l’intrusion des pages cachées de l’Histoire dans des récits de vengeance et de pouvoir), narratif et esthétique (le flash-back morcelé, une utilisation excessive de la durée et de l’espace, des gros plans puis du ralenti). L’amitié (c’est-à-dire la trahison), l’Histoire (c’est-à-dire la violence), la mélancolie (c’est-à-dire la perte irrémédiable de quelque chose, ici les illusions politiques) sont au cœur du cinéma de Leone et d’Il était une fois… la Révolution sixième et avant-dernier film longtemps sous-estimé où le cinéaste a mis beaucoup de lui-même, avant le testament précoce Il était une fois en Amérique.

Au début des années 70, Sergio Leone souhaite devenir producteur. Il le deviendra avec succès avec un autre beau film, Mon nom est Personne de Tonino Valerii en 1973. L’histoire d’un dynamiteur irlandais ex membre de l’IRA et d’un voleur de grand chemin pris dans la tourmente de la révolution mexicaine de 1913 est d’abord confiée à Peter Bogdanovich. Mais les deux hommes ne parviennent pas à s’entendre. C’est presque contre son gré que Leone met en scène le film, contraint à en assumer la paternité par ses associés. Le résultat est pourtant exceptionnel, dans la lignée du Bon, la brute et le truand, mêlant Histoire, humour et violence, mais cette fois-ci avec une tonalité beaucoup plus sombre. Il était une fois… la Révolution n’est pas un western pop et parodique, c’est une fresque désenchantée et spectaculaire. Le western révolutionnaire était depuis 68 un sous-genre florissant dans le cinéma populaire italien, synchrone avec les mouvements gauchistes. En 1971, Leone s’inscrit contre cette tendance. Anarchisant, il exprime les déceptions de sa jeunesse socialisme, son scepticisme devant les idéologies. Son film démontre que toute révolution est une révolution trahie et que révolution égale confusion. Leone n’est pas un théoricien, mais un conteur extraordinaire, capable de passer de la blague à la tragédie, de faire vivre le moindre figurant le temps d’un plan, de raconter la souffrance d’un peuple ou le désarroi d’un personnage, avec très peu de dialogues et un sens de l’image hallucinant. Leone bouscule la réalité mexicaine et interpelle la mémoire collective en insérant de nombreuses références visuelles aux massacres de la Seconde Guerre mondiale, des camps de concentrations aux représailles allemandes à Rome.

Le film est génial car il débute ironique et finit tragique. Débordant de vitalité et de sentiments contradictoires, lyrique et trivial, porté par les interprétations inoubliables de James Coburn et Rod Steiger (photo en tête de texte), héros léoniens par excellence, et les airs légendaires de Morricone, Il était une fois… la Révolution est le chef-d’œuvre populaire et foisonnant de Leone, brassant la violence du XXe siècle et la propre mythologie du cinéaste, avec truculence et émotion.

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