Wild Side propose de voir ou revoir Silent Running (1972) de Douglas Trumbull dans une belle édition DVD et Blu-ray. Il s’agit du premier film – il n’en signera qu’un seul autre en 1983, Brainstorm – de Douglas Trumbull, spécialiste réputé des effets spéciaux qui fit ses classes sur 2001, l’odyssée de l’espace avant de travailler sur les trucages photographiques de Rencontres du troisième type, Star Trek, le film, Blade Runner puis de reprendre du service sur The Tree of Life de Malick. Ce n’est donc pas une surprise de le voir passer à la mise en scène avec un film de science-fiction qui se déroule entièrement dans l’espace, avec un vaisseau qui achève son périple dans les anneaux de Saturne. Silent Running s’inscrit dans son époque avec un message alarmiste sur le futur de l’humanité. Un an plus tard ce sera au tour de Soleil Vert de dresser un constat terrible de notre planète rendue invivable par la pollution. Silent Running part du postulat que la végétation a disparu de la surface du globe et que les ressources naturelles de la Terre sont en voie d’extinction. Dans l’espace, des vaisseaux entretiennent les derniers échantillons d’arbres, de fleurs, de fruits et de légumes dans des serres. Un jour, un message de la Terre ordonne aux équipes de ses vaisseaux de détruire leur précieuse cargaison et de rentrer : la mission est annulée. Le seul membre de l’équipage à ne pas se réjouir de cette nouvelle est le jardinier chargé de l’entretien des serres d’un des vaisseaux, tache dont il s’acquitte avec passion et dévotion. Il préfère désobéir aux ordres et supprimer ses coéquipiers, et parvient à sauver une serre de la destruction.
Cette fable de science-fiction écologiste fut écrite par trois scénaristes débutants dont on allait entendre parler : Steven Bochco va poursuivre sa carrière a la télévision et devenir le créateur de séries célèbres (Hill Street Blues, NYPD Blue, La Loi de Los Angeles…) Deric Wasburn va écrire les scénarios de Voyage au bout de l’enfer, Police frontière, Extrême Préjudice. Quant à Michael (« Mike » au générique) Cimino, inutile de le présenter. C’est la première fois que le nom de Cimino apparaît à l’écran. Difficile de savoir ce que l’on doit aux trois hommes, mais il est aisé de reconnaître certaines thématiques propres à l’œuvre future de Cimino.
Silent Running est par bien des aspects un western transposé dans l’espace. Il y est question du rapport primordial de l’homme avec la nature, maintenue en survie artificielle dans des astronefs, et du mythe de la frontière, prolongé au-delà des étoiles, comme dans le film de Stanley Kubrick. Le jardinier Freeman Lowell (interprété par Bruce Dern) annonce les personnages chers à Cimino d’idéalistes solitaires, prompts à employer la violence pour lutter contre l’establishment et la loi lorsque cette dernière trahit les idéaux de la civilisation américaine. Et la communion avec la nature, même si cette dernière fut domestiquée par la soif d’expansion des Américains, fait partie des fondements primitifs des Etats-Unis. Silent Running fut à l’époque de sa sortie assimilé à des films hippies comme Easy Rider, et cherchait à viser le même public que ces productions anti systèmes et contestataires – les chansons de Joan Baez en témoignent. Silent Running est surtout une épopée négative d’un grand pessimisme, et d’une tristesse souvent poignante. Le film a l’audace d’ériger en personnage principal un sociopathe criminel interprété avec son habituelle intensité par un acteur souvent cantonné dans des seconds rôles de pervers ou de dingues, Bruce Dern. Si la mise en scène de Trumbull avait été plus lyrique, nous tenions un chef-d’œuvre. On peut rêver à ce que Cimino cinéaste aurait pu en faire, certainement l’équivalent du Canardeur dans l’espace : le voyage d’un antihéros américain vers la mort, seul contre tous.
Si Silent Running n’a pas rencontré un grand succès au moment de sa sortie, il a sans doute influencé d’autres films de science-fiction ultérieurs, et tout particulièrement La Guerre des étoiles de George Lucas avec ses petits droïdes aux réactions anthropomorphiques.
Silent Running sera également diffusé sur ARTE le lundi 8 août à 23h30, dans le cadre d’un cycle de six films de science-fiction, comprenant 2001, l’odyssée de l’espace, Barbarella, La Planète des tempêtes, Mars Attacks! et Abattoir 5. Nous y reviendrons.
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