Gaumont propose en version restaurée et remasterisée en Blu-ray et DVD L’Affaire des poisons coproduction franco-italienne réalisée en 1955 par Henri Decoin. L’édition du catalogue Gaumont sur supports numériques permet la découverte ou une réévaluation de bon nombre de titres autrefois populaires et un peu sombré dans l’oubli. C’est le cas de cette Affaire des poisons, film historique qui compte parmi les dernières grandes réussites de Henri Decoin, cinéaste qui signa de formidables comédies et mélodrames interprétés par Danielle Darrieux dans les années 30, avant de poursuivre une carrière inégale mais fort honorable au sein de l’industrie cinématographique française, pas très loin de Duvivier dans ses meilleurs moments. On ressent chez Decoin une admiration du cinéma américain, dont il a pu s’inspirer dans ses charmantes comédies policières et sentimentales. Le scénario de L’Affaire des poisons lui offre l’opportunité de signer un beau film d’aventures historiques, d’après une histoire criminelle qui défraya la chronique à la fin des années 70 et avait déjà donné lieu à une pièce de théâtre de Victorien Sardou en 1909. Dans le paysage du cinéma français des années 50 L’affaire des poisons apparaît plutôt comme un antidote aux tristes bandes académiques en costumes. Le travail sur la couleur (photographie en Technicolor aux teintes sombres et mordorées de Pierre Montazel), la mise en scène et la direction artistique sont largement supérieurs à ce que pouvait offrir les productions commerciales tricolores de l’époque. Lorgnant sur le modèle hollywoodien Decoin se rapproche en fait des films de la Hammer réalisés par Terence Fisher ou des mélodrames historiques italiens de Freda, ce qui n’est pas un mince compliment. Il faut dire que L’Affaire des poisons n’est pas avare en personnages inquiétants et monstrueux et en rebondissements sanglants et cruels. Il n’y est pas seulement question d’empoisonnements mais aussi de messes noires, de meurtres d’enfants par des prêtres adorateurs de Satan, de tortures et de procès pour sorcellerie… Decoin et ses scénaristes prennent évidemment certaines libertés avec la vérité historique et retranscrivent de manière romanesque la folie et la peur qui soufflèrent sur la France le temps de cette vague de crimes, tout en restant fidèles à la plupart des faits avérés.
L’affaire des poisons est une série de scandales impliquant des empoisonnements survenus entre 1679 et 1682, sous le règne de Louis XIV, qui secouèrent Paris et la Cour. Plusieurs personnalités éminentes de l’aristocratie furent impliquées, et ces affaires installèrent un climat hystérique de « chasse aux sorcières » et aux empoisonneuses. Decoin se concentre sur Madame de Montespan (Danielle Darrieux), favorite du roi de France, qui vient chercher un remède auprès de Catherine Deshayes, dite la Voisin (Viviane Romance, extraordinaire), en vue de retrouver la faveur royale qui s’est porté sur une jeune rivale de dix-sept ans à la beauté resplendissante: Marie Angélique de Scorailles-Roussille que le Roi fera duchesse de Fontanges. Or la Voisin, maîtresse du bourreau Guillaume est une avorteuse et une empoisonneuse qui fricote avec l’abbé Guibourg (Paul Meurisse, à son meilleur), un prêtre sataniste. Les mauvaises fréquentations de la Montespan ne seront jamais révélées au grand public mais entérineront finalement sa déchéance, par victimes interposées. On peut imaginer l’émoi que provoqua à l’époque la scène où la Montespan participe toute nue sur l’autel à une messe noire ordonnée par l’abbé Guibourg et interrompue par l’intrusion de la police ! Film indispensable pour tout admirateur de Darrieux et de Romance qui se respecte, mais aussi pour ceux qui s’intéressent aux rares incursions remarquables du cinéma français dans le domaine des aventures angoissantes – L’Affaire des poisons flirte avec l’horreur.
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