Olivier Père

Les Aventures du capitaine Wyatt de Raoul Walsh

Swashbuckler fait une fois de plus une bonne action en ressortant en salles depuis mercredi Les Aventures du capitaine Wyatt (Distant Drums, 1951) de Raoul Walsh. Ce film splendide n’existe toujours pas en DVD en dehors d’une rudimentaire édition américaine sans sous-titres. C’est l’un des plus beaux de son auteur, et par la même occasion un chef-d’œuvre absolu du cinéma américain. On peut affirmer sans exagération que Les Aventures du capitaine Wyatt est l’un des meilleurs films d’aventures jamais réalisés. Walsh reprend l’argument de l’un de ses grands titres de la décennie précédente Aventures en Birmanie (Objective, Burma!, 1945), classique absolu du film de guerre avec Errol Flynn, et le transpose dans les Everglades en 1840, lors de la seconde guerre Seminole. Les deux films possèdent des scénaristes différents et pourtant Walsh s’évertue à travailler un matériau identique en cherchant à l’améliorer. Ce n’est pas la première fois que Walsh s’employait à refaire ses meilleures réussites quelques années plus tard, en racontant la même histoire ancrée dans un autre genre. La Fille du désert (Colorado Territory, 1949) était déjà une nouvelle version sur le mode western du film noir La Grande Evasion (High Sierra, 1941). Ces variations autours de schémas narratifs semblables laissent à penser que Walsh n’avait pas envie d’abandonner une bonne histoire quand il en tenait une. Elles témoignent surtout de l’attachement du cinéaste à des motifs dramatiques et à des personnages puissants capables de s’incarner avec une force égale dans des époques, des décors et des situations différentes. Comme son titre français l’expose de manière explicite Les Aventures du capitaine Wyatt dresse le portrait d’une figure héroïque, d’un meneur d’hommes, le capitaine Quincy Wyatt, chargé par l’armée d’une mission périlleuse, la libération de prisonniers en territoire ennemis. Une fois l’opération réussie le groupe traqué par les Indiens est contraint de s’enfoncer dans les marécages mortels des Everglades en Floride, en proie à un double danger : celui de la faune sauvage et des guerriers Seminole. Ce récit de survie en terrain hostile exalte la bravoure du soldat, l’intelligence du stratège, la connaissance intime du milieu naturel et des comportements humains nécessaires au commandement et le charisme du chef, qualités réunis en la personne de Wyatt, qui a choisi de vivre loin de la civilisation des Blancs pour élever son jeune fils métis. Gary Cooper incarne à la perfection cet aventurier viril capable de violence mais aussi d’humour et de tendresse. Le film regorge de scènes inoubliables, dans le registre de l’action comme dans celui de la comédie – celle où Cooper se rase à sec avec un couteau de chasse, bientôt maladroitement imité par un jeune officier. L’érotisme, omniprésent dans l’œuvre de Walsh, irradie le film par la présence de la sexy Mari Aldon, seule femme dans un monde d’hommes. Les Aventures du capitaine Wyatt est aussi l’histoire de la naissance du désir entre la captive délivrée et Wyatt, l’histoire d’une rencontre entre deux êtres pas si différents malgré les apparences, réunis autour des thèmes de la vengeance et du racisme, admirablement traités par Walsh. Ce classique aux péripéties palpitantes et cruelles peut être vu comme une matrice des nombreux films d’aventures qui lui succèderont, avec des scènes reprises telles quelles par Spielberg (Indiana Jones et le temple maudit) ou McTiernan (Predator) par exemple. C’est un film qui vous enchante si vous le voyez enfant mais qui ne cesse de révéler ses richesses, ses beautés et sa subtilité à chaque nouvelle vision.

 

 

 

 

Catégories : Actualités

5 commentaires

  1. Bertrand Marchal dit :

    Je suis très disponible,mentalement, pour accepter les films en fonction du contexte de leur fabrication, leur moralité, leur esthétique, le rythme, le jeu, autant de normes qui peuvent évoluer. Mais un film médiocre reste un film médiocre et je ne suis pas sûr que celui-ci ait été très admiré à sa sortie comme, à ma surprise, il peut l’être aujourd’hui. Je ne partage pas les éloges, tant s’en faut!

    Je l’ai vu hier, pour Gary Cooper, et parce qu’il aborde une période de la conquête de l’ouest moins racontée au cinéma. Raoul Walsh, le le connais très mal, mais ce film a fort refroidi ma curiosité!

    Évidemment, Bertrand Tavernier- à nouveau- s’étale interminablement dans les bonus du dvd de Carlotta sur les soi-disantes qualités exceptionnelles du film qui bien sûr confine au chef d’œuvre – c’est son délire habituel. Cette fois, aucune de ses exagérations ne trouvent la moitié d’une illustration dans cette œuvre décevante, même pas sauvée par un impeccable Gary Cooper. Mais il l’est toujours.

    La direction d’acteur est pauvre – à ce titre, l’officier est d’une nullité rare: on ne croit jamais en ce personnage dont la seule utilité est d’avoir un sabre qu’il peut échanger contre un tomahawk. Le rythme général est paresseux, les plans sont très ordinaires, les nombreuses, très laides incises en plan américain des personnages qui bavardent côte à côte sur un fond de photo (!) détruisent comme par malice les plans d’ensemble en décor naturel, qui eux amènent un peu de réalisme, même si on ne sent jamais ni la chaleur, ni l’humidité, ni l’épuisement. La photo est d’ailleurs très plate: même vraie, la forêt ressemble à un décor, mais comment ont-ils fait?

    Quant à l’enjeu, il est tellement classique qu’il en devient fade. Les personnages n’inspirent aucune sympathie ( c’est particulièrement le cas de l’officier dont j’ai parlé et de la fille qui existe pour l’argument romantique – je signale une seconde femme dans la troupe, de couleur, mais à qui on n’a pas daigné donner une ligne de dialogue, ni la moindre substance) et la romance est tout à fait invraisemblable.

    Pour réveiller ma torpeur et rendre le visionnage plus intéressant, j’imaginais les versions satiriques qu’auraient pu en faire Benny Hill ou les Inconnus, autrement plus excitantes!

    Décidément Cooper est un très grand acteur pour rester digne et dessiner un personnage crédible au milieu d’un théâtre pareil (c’est la magie de son jeu, de son regard, de ses mimiques: quoi qu’il joue, il traine un passé derrière lui). Je le plains et l’admire en même temps!

  2. Bertrand Marchal dit :

    Mon commentaire du film est aussi l’occasion de signaler l’existence désormais du DVD!
    J’ai jeté un œil à la filmo de Walsh: rien qui ne semble dépasser la production standard de film de délassement, sauf peut-être l’Enfer est à Lui.

    Si vous pouvez me recommander ce qui serait à vos yeux vraiment son chef d’œuvre, je suis preneur!

  3. Bertrand Marchal dit :

    Je viens de voir Aventures en Birmanie, qui est un film nettement plus intéressant que Les Aventures du Capitaine Wyatt. Ces deux films forment une espèce de diptyque, et les comparer reste pertinent. Je ne pense pas du tout que Wyatt soit un perfectionnement de sa version « matrice », bien au contraire: tout ce qui est fort et dense dans « Birmanie » est dilué et artificialisé dans « Wyatt »…

    Le contexte de sa fabrication le rend aussi plus significatif (sinon important) sur le plan de l’histoire du cinéma américain classique et du rôle qu’il s’est souvent donné dans l’édification morale des foules. La coupure nette intervenant avec les luttes raciales et le Vietnam: le cinéma des années suivantes sera radicalement désabusé, ambivalent voire cynique.

    Un film qui m’oblige a continuer mon examen de l’œuvre de Walsh…!

    • Olivier Père dit :

      Ce n’est pas la seule fois où Walsh a raconté la même histoire (plus ou moins) dans deux films différents. Colorado Territory (1949) est une version western de High Sierra (1941), adapté d’un roman de Burnett. Dans mon souvenir les deux films sont magnifiques, mais je ne les ai pas revus depuis longtemps (comme Aventures en Birmanie et Distant Drums d’ailleurs).

  4. Bertrand Marchal dit :

    Je détaille mes impressions sur le film:

    Le noir et blanc rend Aventures en Birmanie plus réaliste, la forêt y est plus étouffante, plus organique, elle dissout les hommes, les avale et les régurgite dans des mouvements reptiliens qui l’installent comme une grande force vitale pleine de menaces; là où elle n’est qu’un décor dans Wyatt. C’est la différence la plus essentielle.

    Deux autres méritent de placer ce film (loin) devant Wyatt:

    D’abord son soucis documentaire dans tout ce qui concerne le métier de soldat: comment on saute en parachute, comment on largue des provisions de secours, comment on progresse en terrain hostile, comment on aménage une position à défendre etc. Ce qui donne de la véracité à l’histoire.
    Ensuite, et ça m’a surpris, sa brutalité: on y tue sans pitié et sans remord, on y assassine en masse. Si le film est évidemment une œuvre de propagande qui prétend soutenir l’engagement militaire américain, il regarde la réalité de la guerre en face: Il est vrai que les Japonais sont présentés comme de sauvages tortionnaires (ce qu’ils étaient, tous possédés par leur sentiment d’infinie supériorité), mais les Américains sont à peine plus sympathiques: ils déciment leurs ennemis désarmés, la mitrailleuse les cueille sans pitié au sortir du mess, on jette des grenades sur les soldats japonais qui ont déjà entamé leur retraite; bref, la guerre rend tous les coups permis, elle suspend tout scrupule, c’est la mort de la morale. Et Walsh nous montre tout ça, frontalement.

    Pour terminer, j’ajoute que les acteurs ici sont mieux dirigés que dans Wyatt, la troupe a de la chair, les interprètes (à une ou deux exceptions tolérables malgré tout) sont tous très justes.

    Les Japonais ne sont évidemment pas joués par de vrais Japonais (Birmans peut-être?). Et, plus navrant pour qui a une oreille pour les accents, ils ne parlent jamais japonais mais une espèce de pidgin qui y ressemble très vaguement!

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *