Olivier Père

Traqué dans la ville de Pietro Germi

Tamasa vient d’éditer en DVD Traqué dans la ville (La città si difende, 1951), l’excellent film noir de Pietro Germi. Germi, cinéaste talentueux d’un néo-réalisme tardif, s’est exprimé avec beaucoup de force dans le domaine du cinéma de genre, qu’il a littéralement inventé dans l’Italie de l’après-guerre, abordant des sujets sociaux par le biais du western (Au nom de la loi, remarquable film sur la mafia sicilienne), du polar (Traqué dans la ville, Meurtre à l’italienne) et finalement de la comédie satirique.

Traqué dans la ville fut souvent présenté comme le premier film policier italien moderne. Le cinéma criminel nourri par les crises sociales et politiques du pays inspirera longtemps les auteurs et les artisans italiens. Pietro Germi – comme Lattuada lorsqu’il réalise Le Bandit – ne cache pas sa dette envers le cinéma américain. Traqué dans la ville commence par le hold-up des caisses d’un stade de football romain pendant un match. La scène évoque bien sûr le casse du champ de courses dans Quand la ville dort de John Huston. L’alarme est donnée, et les braqueurs doivent se séparer dans leur fuite. La suite du film s’emploiera à décrire l’errance désespérée des quatre complices cherchant chacun de leur côté à échapper aux mailles du filet de la police, mais aussi à la violence de la pègre, avec des conséquences tragiques. La particularité de Traqué dans la ville est de ne pas mettre en scène des gangsters professionnels mais des personnages ordinaires sombrés dans la déchéance et devenus hors-la-loi pour tenter de s’extraire de leur condition misérable. Il y a un ancien footballeur dont la carrière a été brisée par un accident, un ouvrier au chômage ne parvenant pas à nourrir sa famille, un jeune délinquant en détresse, un peintre en voie de clochardisation, tous montrés comme des victimes de la société. Le film de Germi se transforme alors en radioscopie du sous-prolétariat et des quartiers populaires de la périphérie de Rome cernés par des terrains vague, qui deviendront la décennie suivante le décor des premiers films de Pasolini. L’intrigue policière tendue menée avec efficacité se double d’une chronique sociale au constat amer, dont le pessimisme sera à peine tempéré par la scène finale. La qualité du film de Germi comme plus tard celle des meilleurs polars urbains italiens est de montrer avec un grand souci de vérisme l’atmosphère grouillante d’une métropole qui se transforme en piège mortel pour ses pathétiques protagonistes.

 

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