Olivier Père

Les Désarrois de l’élève Törless de Volker Schlöndorff

Gaumont vient d’éditer en DVD et Blu-ray Les Désarrois de l’élève Törless (Der junge Törless, 1966) d’après Robert Musil.

Premier – et meilleur ? – long métrage de Volker Schlöndorff qui avait été auparavant l’assistant de plusieurs réalisateurs français comme Jean-Pierre Melville ou Louis Malle. Grand lecteur, Schlöndorff consacrera la majeure partie de sa carrière de cinéaste à l’adaptation de certains des textes essentiels de la littérature du XIXème et XXème siècles. Après Musil se succèderont du livre à l’écran Kleist, Yourcenar, Grass, Proust etc. avec des fortunes diverses.

Le débutant Schlöndorff parvint à acquérir les droits cinématographiques des Désarrois de l’élève Törless au nez et à la barbe de Luchino Visconti. Il opte – d’abord pour des questions financières – pour le noir et blanc, ce qui confère une austère beauté au film, étude psychologique mais aussi tableau d’un univers clos, d’une structure d’enfermement où règne la discipline mais qui va encourager des comportement pervers. Le noir et blanc accentue aussi le rapprochement avec le cinéma allemand d’avant-guerre, en particulier M de Fritz Lang dont Schlöndorff cite certains plans.

Au début du XXème siècle, en Autriche, le jeune Törless (Mathieu Carrière) fils de bonne famille intègre un internat. Durant une nuit, un vol a lieu. Deux élèves, Reiting et Beineberg, démasquent le coupable et menacent de le dénoncer s’il ne satisfait pas leurs désirs. Le pauvre Basini va ainsi subir toutes sortes de sévices, sous l’œil de Törless, observateur passif mais troublé. Sa tentative d’intervention pour sauver Basini des griffes de ses tortionnaires sera trop tardive. La direction de l’école fera preuve de complaisance envers les meneurs, malgré la gravité des faits.

On comprend ce qui a séduit Schlöndorff dans ce récit cruel qui montre les racines du mal dans une école militaire, et décrit un terreau favorable à l’avènement du national-socialisme, à savoir la désignation d’un bouc émissaire, la valorisation de la violence par une nouvelle classe aristocratique. Schlöndorff inaugure sa filmographie avec la question du nazisme, question qui reviendra cycliquement au cours de sa carrière.

Les Désarrois de l’élève Törless possède aussi l’importance historique de marquer le coup d’envoi du jeune cinéma allemand, avant les premiers films de Herzog, Wenders, Fassbinder, Syberberg… Sa présentation au Festival de Cannes déclenchera un début d’intérêt à l’international pour cette nouvelle génération de cinéastes désireux de revenir sur le passé honteux de leur pays, et d’en ausculter le présent.

A noter l’apparition surprise de Barbara Steele, actrice américaine devenue l’icône du cinéma d’horreur européen, dans le rôle d’une prostituée que viennent visiter les étudiants.

 

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