Olivier Père

Fist of Legend – La Nouvelle Fureur de vaincre de Gordon Chan

Dans le cadre de son cycle estival « Voyages en Asie » ARTE diffuse jeudi 9 juillet à 20h50 un titre formidable du cinéma d’action de Hong Kong. Comme l’explicite son sous-titre français, La Nouvelle Fureur de vaincre, Fist of Legend (Jing wu ying xiong, 1994) est un remake de La Fureur de vaincre (Fist of Fury, 1971) de Lo Wei, sans doute le meilleur film interprété par Bruce Lee. L’histoire, dans les grandes largeurs, reste la même : Shanghai, 1937. Au début de la guerre sino-japonaise, Chen, un étudiant chinois en arts martiaux, revient dans son école pour les funérailles de son vieux maître. Il découvre que ce dernier a été empoisonné lors d’un combat truqué par de vils Nippons avec la complicité d’un traître et n’aura de cesse de faire éclater la vérité et sauver l’orgueil de son peuple, victime des brimades racistes des écoles concurrentes et des militaires japonais. Le scénario original a cependant subi certaines modifications afin d’atténuer la xénophobie agressive du film de Bruce Lee, dans lequel les Japonais étaient tous décrits comme d’immondes ségrégationnistes. Cela ne falsifiait pas vraiment la réalité historique (on se souvient de la fameuse scène où le Petit Dragon faisait voler en éclats un panneau indiquant « interdit aux chiens et aux Chinois » à l’entrée d’un square), mais on comprend aisément la volonté du film de rendre plus subtile l’opposition entre les bons Chinois et les méchants Japonais. Dans la nouvelle version, Chen est amoureux d’une jolie Japonaise, et les multiples adversaires nippons du héros apparaissent moins manichéens que dans le film original (ce qui n’est pas difficile, certes). La partie romantique est elle aussi davantage soignée, avec l’ébauche subtile d’un triangle amoureux et le développement satisfaisant des scènes sentimentales. Mais venons-en à l’essentiel. Les films de Bruce Lee, rudimentaires dans leurs trames scénaristiques, valaient pour l’irremplaçable charisme félin du Petit Dragon et la beauté des combats, toujours supervisés par la star elle-même et enregistrés comme des performances sportives, sans effets superlatifs de montage. L’anti Tsui Hark, en quelque sorte.

Jet Li dans Fist of Legend - La Nouvelle Fureur de vaincre de Gordon Chan

Jet Li dans Fist of Legend – La Nouvelle Fureur de vaincre de Gordon Chan

Jet Li, lancé dès le début de sa carrière comme le seul véritable héritier du Petit Dragon, se montre à la hauteur de son modèle, au-delà de toute espérance. Jamais écrasé par la référence à Bruce Lee, transi dans La Fureur de vaincre d’une haine vengeresse proche de la pathologie, il parvient à imposer sa touche personnelle, mélange de glamour et de sérénité paradoxale. Les nombreux et magnifiques combats, chorégraphiés par le maître Yuen Woo-Ping, célèbre à l’international depuis sa participation à Matrix et Tigre et Dragon, mais artisan essentiel du renouveau du film de Kung Fu depuis les années 70, respectent les exploits des corps au travail, sans le moindre recours aux nouvelles techniques digitales qui ébahirent le public occidental du film de Ang Lee en l’an 2000. Les combats sont brutaux, agressifs ; les coups sont précis mais d’une force implacable. Le film est en cela un hommage respectueux à Bruce Lee, et à une certaine tradition du film d’art martial en voie de disparition, même et surtout à Hong Kong. Fist of Legend – La Nouvelle Fureur de vaincre dut sa distribution tardive en France, sept ans après sa réalisation, aux débuts de la nouvelle – et assez piteuse – carrière internationale de Jet Li, vedette de productions de Luc Besson et de films américains de médiocre facture, d’un rôle dans L’Arme fatale 4 jusqu’à sa participation à la série des Expendables de Sylvester Stallone. Gordon Chan, prolifique cinéaste commercial, réussit un film à la fois modeste et noble dans sa démarche, puisque Fist of Legend – La Nouvelle Fureur de vaincre offre l’éloge de la performance physique, sublime les combats et leur beauté acrobatique sans pour autant occulter leur violence concrète.

 

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