Olivier Père

Santo et Blue Demon contre Dracula et le loup-garou de Miguel M. Delgado

Dracula sort de son tombeau dans le film de Miguel M. Delgado

Dracula sort de son tombeau dans le film de Miguel M. Delgado

Dans le cadre de sa programmation « trash » ARTE diffuse jeudi 18 juin à 23h55 Santo et Blue Demon contre Dracula et le loup-garou (film inédit en France, traduction littérale de son titre original Santo y Blue Demon vs Drácula y el Hombre Lobo, 1973) de Miguel M. Delgado, artisan du cinéma populaire mexicain connu pour avoir signé près de 140 films entre 1941 et 1990, parfois cinq par ans, parmi lesquels de nombreuses comédies avec Cantinflas en vedette, et trois aventures de Santo où le catcheur masqué affronte des monstres du patrimoine, Dracula, loup-garou et créature de Frankenstein… Santo de son vrai Rodolfo Guzman Huerta (1917-1984) était une idole du peuple mexicain, héros national sur le ring (la « Lucha Libre » soit le catch professionnel mexicain, sport immensément populaire où selon la tradition la plupart des « luchadors » portent un masque) et à l’écran, toujours avec sa fameuse cagoule argentée, souvent épaulé par son camarade catcheur Blue Demon. Parmi les films interprétés par Santo – une cinquantaine du début des années 60 à celui des années 80 il existe un filon davantage orienté vers le fantastique, la science-fiction et l’horreur très apprécié des connaisseurs. Le mariage entre les histoires à dormir debout, les ambiances macabres et les combats de catch commentés qui rythment immuablement le récit (ici il y en a trois au début, au milieu et à la fin, déconnectés des péripéties et filmés en studio en plan fixe et unique) assurèrent la réputation de ces bandes en dehors des frontières du Mexique auprès des amateurs de bizarreries cinématographiques et de pop culture. On se rapproche en effet d’une forme d’art naïf, de cinéma brut ou dada à l’instar de certaines séries Z dont la folie ou l’idiotie atteint des dimensions pataphysiques.

On doit le scénario délirant de Santo et Blue Demon contre Dracula et le loup-garou à Alfredo Salazar qui avait déjà signé en 1969 Santo contre le trésor de Dracula dans lequel Santo empruntait une machine à remonter le temps pour combattre le prince des ténèbres. Ces histoires extravagantes se parent d’un décorum particulièrement kitsch doublé ici de couleurs criardes du plus bel effet, avec des garde-robes masculines et féminines qui constituent une agression oculaire permanente. Le sadisme de bande dessinée du film puise pourtant ses racines dans un aspect bien concret de la société mexicaine. Ce film – comme la plupart des Santo et autres bandes populaires – relate des histoires d’enlèvements de personnages des classes aisées par des organisations criminelles. Souvent monstres ou gangsters d’opérette complotent pour enlever des membres d’une famille bourgeoise, femmes ou enfants, Santo et Blue Demon font office de gardes du corps. Ce ressort dramatique propre au sérial trouve néanmoins un écho troublant avec la violence qui règne dans les grandes villes du Mexique, où le kidnapping et la demande de rançon constituent un business sanglant et un véritable fléau depuis les années 80, avec des fortunes amassées par plusieurs magnats du crime qui créèrent des vocations parmi les narcotrafiquants en mal de reconversion et les malfrats de toutes sortes. On en retrouve l’archéologie dans les films d’exploitation mexicains, reflets déformés mais aussi prophétiques d’une réalité sociologique.

Santo et Blue Demon contre Dracula et le loup-garou est aussi disponible en Replay sur ARTE+7.

 

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