Olivier Père

Un inspecteur vous demande de Guy Hamilton

Studiocanal propose en DVD et Blu-ray à la vente le 17 mars plusieurs titres du cinéma anglais parmi lesquels Un inspecteur vous demande (An Inspector Calls, 1954) de Guy Hamilton. J’avoue n’avoir jamais entendu parler de ce film avant de le visionner, nouvelle preuve d’une connaissance bien lacunaire de la production britannique classique, mais l’édition DVD permet de nombreuses séances de rattrapage et souvent la curiosité des cinéphiles est récompensée par de belles surprises et la possibilité de revenir sur quelques idées reçues, notamment le caractère irrévocablement naphtaliné et soporifique du patrimoine cinématographique anglais. Certes le cinéma britannique ne déroge pas à sa réputation d’académisme, mais ce corsetage formel, cet assujettissement au théâtre n’empêchent pas d’apprécier ici et là d’autres spécificités et paradoxes britanniques : un certain goût pour l’onirisme et la virulence politique sur un sujet qui a régulièrement titillé la « perfide Albion » : la lutte des classes.

Alastair Sim dans Un inspecteur vous demande

Alastair Sim dans Un inspecteur vous demande

Un inspecteur vous demande est le troisième long métrage de Guy Hamilton, cinéaste qui fera carrière la décennie suivante dans le cinéma commercial en signant plusieurs « James Bond » notamment Goldfinger – l’un des meilleurs de la série – Mes funérailles à Berlin ou la superproduction La Bataille d’Angleterre. Comme d’autres réalisateurs anglais de sa génération il s’est sans doute davantage impliqué personnellement dans ses œuvres de jeunesse. Un inspecteur vous demande est l’adaptation cinématographique d’une pièce du dramaturge J.B. Priestley. Le film commence lors d’un dîner réunissant la riche famille Birling de la haute société londonienne : les parents, leur fils, leur fille et le fiancé de cette dernière. La suffisance de ce petit monde confit dans ses privilèges et ses certitudes, l’autosatisfaction du père, industriel qui convoite un titre de noblesse et assène de nombreuses bêtises sur la politique internationale dissimulent mal un certain malaise – le jeune fils est ivre à table – qui va s’accentuer avec l’arrivée inattendue d’un vieil et taciturne inspecteur de police (Alastair Sim, vedette de la scène et de l’écran au Royaume-Uni) dans la salle à manger. Le policier les informe de la mort par empoisonnement d’une jeune femme et va interroger l’un après l’autre les membres de cette famille illustre et respectable : tous ont connu la disparue et ont une responsabilité plus ou moins directe dans sa fin tragique, comme va le révéler une série de flashbacks. Critique féroce de l’hypocrisie bourgeoise et de l’inhumanité de la classe dirigeante, Un inspecteur vous demande montre comment Eva Smith une honnête et douce jeune prolétaire verra sa vie brisée par les Birling qui à diverses reprises lui ôteront ses moyens d’existence, sa dignité et toute possibilité d’espoir. L’apparition quasi surnaturelle de l’inspecteur au début du film et le coup de théâtre final donnent à cette histoire en huis clos des faux airs d’épisode de « La Quatrième Dimension ». Il est très significatif que la pièce de Priesley fût jouée pour la première fois en URSS en 1945, avant de l’être à Londres un an plus tard, avec un succès jamais démenti par la suite. Il n’est pas non plus anodin que l’action de la pièce et du film se déroule en 1912, quelques années avant la Première Guerre mondiale et la Révolution d’Octobre. Sous ses apparences de divertissement bourgeois Un inspecteur vous demande est un film marxiste.

 

 

 

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