Au fil de son histoire, le cinéma fantastique s’est enrichi d’un bestiaire monstrueux, né de peurs ancestrales ou d’angoisses plus modernes.
L’araignée (du latin « aranea »), est un animal arthropode appartenant à l’ordre des aranéides, caractérisé par un pédicule qui relie la tête et l’abdomen, des chélicères inoculateurs de venin, des filières ventrales. Cette bestiole révulsive s’il en est, occupe avec les reptiles et les grands singes le haut du podium. Elles ont inspiré des histoires de contagion (Le Mort dans le filet, mythique nanar allemand) de prolifération (Arachnophobie), ou de démesure (le célèbre Tarantula) et de nombreuses déclinaisons à petit budget, séries B ou Z qu’on pouvait voir dans les salles de quartiers puis les vidéoclubs.
Les hasards de l’actualité DVD nous permettent de comparer deux spécimens savoureux du cinéma d’exploitation américain des années 70. Deux films parfois confondus par les étourdis en raison de la proximité de leurs titres français : L’Invasion des araignées géantes (The Giant Spider Invasion, 1975) de Bill Rebane et L’Horrible Invasion (Kingdom of the Spiders, 1977, photo en tête de texte) de John « Bud » Cardos.
Le premier, distribué par Crocofilms éditions dans une version « uncut et inédite » est une série Z qui rencontra un inattendu succès commercial à travers le monde lors de sa sortie (entre un et deux millions d’entrées en France selon les sources !) C’est la chute d’un astéroïde qui déclenche l’apparition d’araignées contenues dans des bombes volcaniques – si on a bien compris car tout ceci est parfois confus – qui s’attaquent aux habitants d’une petite bourgade du Wisconsin. Le sermon d’un prédicateur fou au début du film, mettant en garde ses ouailles contre le jugement dernier, assimile cette menace extraterrestre à la huitième plaie d’Egypte et à la colère divine, plongeant le récit dans une ambiance millénariste, tandis qu’un couple de scientifique essaye tant bien que mal de comprendre ce qui se passe. Notons le caractère mensonger du titre français par rapport à l’original puisqu’on ne dénombre dans le métrage qu’une seule araignée géante qui terrorise la population en déambulant poussivement dans les champs puis dans la rue principale du village, avec des personnages imprudents qui viennent se jeter dans ses pattes poilues pour se faire dévorer. Le monstre, maladroitement exécuté, était constitué d’une structure en mousse fixée sur une Volkswagen Coccinelle, comme le rappelle le réalisateur dans les suppléments du DVD. A sa décharge, Bill Rebane – auteur d’une dizaine de petits film tous tournés dans le Wisconsin et destinés au marché local – explique que le scénario du film ne fut jamais réellement abouti et qu’il dut transiger avec des producteurs guère professionnels et un budget dérisoire, en essayant d’insuffler au film une ironie salvatrice.
Malgré sa mauvaise réputation, L’Invasion des araignées géantes se révèle très sympathique et jamais ennuyeux, ce qui n’est pas toujours le cas de ce genre de productions fauchées et mal fichues. On s’amuse beaucoup aux malheurs de cette communauté rurale et à la caractérisation de personnages pittoresques, affreux sales et méchants et portés sur la chose – moult séquences grivoises – impitoyablement « punis » par le châtiment venu de l’espace. La réplique la plus mémorable du film : « A côté de cette araignée le requin des Dents de la mer passe pour un poisson rouge ! »
Après L’Invasion des araignées géantes, L’Horrible Invasion, réalisé deux ans plus tard, passerait pour un modèle de sérieux et de classicisme, et pour une superproduction hollywoodienne, ce qu’il n’est pas. C’est une petite production indépendante qui a marqué les esprits et figure parmi les titres les plus populaires du filon du film d’horreur animale, comme La Nuit des vers géants ou Soudain… les monstres. Nous passons du Wisconsin au Texas, mais restons dans la campagne américaine, avec l’histoire de mygales anormalement venimeuses s’attaquant d’abord au bétail de la région, puis aux humains jusqu’à un final apocalyptique. Les raisons de cette invasion sont d’ordre écologique, et la responsabilité de pulvérisations insecticides rendant les araignées plus résistantes est évoquée à plusieurs reprises.
Le film de John « Bud » Cardos (enfin disponible en DVD zone 2 et en vente avec le Mad Movies du mois du novembre) est un remake à peine déguisé des Oiseaux de Alfred Hitchcock, chef-d’œuvre séminal du film catastrophe moderne dont il reproduit in extenso la conclusion, avec aussi la reprise de l’idée de la jeune femme blonde, sophistiquée et citadine dont l’arrivée dans une petite communauté rurale coïncide avec une vague de violence et de destruction. Le film possède l’avantage de ne pas souffrir d’effets spéciaux ringards, au contraire de nombreuses bandes fantastiques à petit budget, car les mygales à l’écran sont toutes – ou presque – de vraies bestioles mises en contact avec des acteurs particulièrement courageux, ce qui génère des scènes très réalistes et véritablement angoissantes. La mise en scène est fonctionnelle mais le film bénéficie de la présence de William Shatner (Star Trek) dans le rôle du héros vétérinaire et surtout de Woody Strode, superbe acteur noir vu chez John Ford et bien d’autres grands réalisateurs, en éleveur victime des premières attaques des mygales.
John « Bud » Cardos est une figure du cinéma d’exploitation américain. Réalisateur, cascadeur, acteur et producteur, ce Texan pure souche a signé une dizaine de films. Les plus connus sont L’Horrible Invasion et ses araignées poilues (de loin son meilleur long métrage), La Nuit des extra-terrestres et ses aliens en pâte à modeler, Gor, une piteuse « Heroic Fantasy » produite par la Cannon. Il a coproduit Le Mort-vivant de Bob Clark et collaboré en tant qu’acteur ou cascadeur à de nombreuses séries Z de son ami Al Adamson. On se souviendra aussi de lui pour avoir remplacé un autre célèbre cinéaste texan, Tobe Hooper, débarqué du tournage de The Dark en 1979 pour « différends artistiques » avec la production. The Dark est un film d’horreur au climat malsain dont l’élément fantastique du scénario – le tueur en série qui sème la terreur dans Los Angeles en décapitant et en brûlant ses victimes est un extra-terrestre – ait été intégré au scénario très tardivement, voire après le début des prises de vues.
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