Mercredi 24 septembre sort sur les écrans français le magnifique Saint Laurent de Bertrand Bonello, produit par Mandarin Cinéma et distribué par EuropaCorp. C’est une coproduction ARTE France Cinéma. Le film était présenté en compétition officielle lors du dernier Festival de Cannes.
Biopic qui méprise les conventions du biopic, le film de Bertrand Bonello s’attache à une décennie en particulier, les années sombres de Saint Laurent, celles de la dépression et de la tentation des gouffres, entre 1965 et 1976. C’est aussi la période la plus créative d’Yves Saint Laurent, dont le travail dialogue avec l’effervescence artistique de ces années pop – le dialogue long distance qu’imagine Bonello entre YSL et Andy Warhol – tout en restant intemporel, à la fois mondain et hors du monde comme pouvait l’être Proust son idole. Saint Laurent entretient avec L’Apollonide, précédent film de Bonello, de nombreuses correspondances : faire ressurgir le passé sans être passéiste, explorer un univers clos qui est celui de Yves Saint Laurent (ses maisons, ses ateliers, les boîtes de nuit), mais aussi sa psyché, entre souvenirs d’enfance, hallucinations, bouffées d’angoisse et d’euphorie.
Saint Laurent se débarrasse très vite des scènes à faire, ou les ignore, autour de la figure mythique d’une icône de la mode, et du XXième en général, pour se poser quelques questions essentielles sur la création, l’amour, le travail, cette alchimie entre la porosité à l’époque et le repli sur soi qui fait la pâte d’un grand artiste visionnaire. Sans rien occulter du pouvoir de l’argent et du côté un peu dégoûtant de l’industrie du luxe. Il suffit d’une longue scène extraordinaire, digne du Parrain (saga à laquelle on pense beaucoup pendant tout le film) pour que Bonello nous expose les stratégies financières et économiques qui vont permettre la fondation de l’empire YSL. Le mouvement du film, qui commence documentaire – l’importance accordée à la fabrication autant qu’à la création – pour s’achever en opéra – apothéose d’un défilé en split-screen, entre Mondrian et De Palma – est majestueux et possède une ampleur nouvelle dans la mise en scène de Bonello, d’une grâce et d’une inspiration de chaque instant.
L’idée géniale d’avoir confié à Helmut Berger le rôle de Saint Laurent à la fin de sa vie offre des scènes sublimes qui explicitent l’influence viscontienne du film – surtout Violence et Passion – mais réussissent surtout à montrer le passage du temps et de la souffrance sur un corps et un visage. Gaspar Ulliel se réinvente en interprétant Saint Laurent, capable d’une subtilité et d’une force qu’il n’avait pas eu souvent l’occasion d’exprimer au cinéma.
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