Olivier Père

L’Institutrice de Nadav Lapid

L’Institutrice (Haganenet) de Nadav Lapid, très remarqué à Cannes, sort en salles mercredi 10 septembre, distribué par Haut et Court.

Nira, une institutrice, décèle chez Yoav, un enfant de cinq ans, des dons extraordinaires pour la poésie. Elle écrit des poèmes elle-même, comme une sorte de jardin secret qui lui permet d’échapper à la banalité de sa vie conjugale, mais elle est subjuguée par le talent précoce de Yoav, au point de devenir obsédée par le jeune prodige qui demeure à ses yeux un enfant opaque et mystérieux. Elle décide de préserver et d’encourager ses prédispositions, envers et contre tous, dans une sorte de croisade désespérée, franchissant la ligne de la raison et de la loi. L’histoire de L’Institutrice (Haganenet) est inspirée d’une expérience autobiographique de Nadav Lapid, également écrivain, qui écrivit enfant des poèmes dont certains sont utilisés dans le film. Il succède à son premier long métrage très remarqué dans les festivals et lors de sa sortie en salles, Le Policier (2011). Les deux films sont à la fois très différents – sur le plan formel et narratif – et presque jumeaux, creusant le même sillon politique. Une nouvelle fois il s’agit d’analyser, davantage que de dénoncer, les dysfonctionnements de la société israélienne contemporaine, ou plutôt son fonctionnement implacable, étouffant et aliénant. Une nouvelle fois il s’agit d’associer à cette critique radicale une mise en scène qui soit aussi puissante, et pertinente, que le regard de Nadav Lapid sur son propre pays. Inventer de nouvelles formes, adaptées à une pensée, ce devrait être l’ambition – sinon le rôle – de tout cinéaste qui se respecte. Ce n’est hélas pas toujours le cas mais c’est indubitablement ce qui motive Nadav Lapid. En cinéaste moderne il saisit et interprète les images les plus triviales de notre époque pour les intégrer à son propre système esthétique d’un perfectionnisme sidérant. Il ne s’agit pas seulement de mettre la caméra à hauteur d’enfant dans la cour et la classe de la maternelle. Ces hyper gros plans, ces corps qui vont et viennent devant l’objectif en se heurtant parfois à lui proviennent directement de la vidéo domestique ou des téléphones portables, Nadav Lapid leur offrant pour la première fois une grâce purement cinématographique. Savoir regarder notre époque pour la critiquer. Savoir filmer la poésie sans la sacraliser, ni chercher les effets « poétiques ». Le propos du cinéaste dépasse la situation israélienne. Lapid questionne le rôle de la poésie – et donc du cinéma et de la culture en général – dans un monde matérialiste, contaminé par le cynisme et la vulgarité, qui ne lui accorde plus aucune place et encore moins de valeur. L’Institutrice, sans provocation ni grand discours, mais avec une intelligence et une sensibilité artistique exceptionnelles, est un grand film de résistance.

L’Institutrice, présenté en séance spéciale à la Semaine de la Critique, est coproduit par Pie Films LDT (Israël), Haut et Court (France) et ARTE France Cinéma.

Nadav Lapid, Sarit Larry (Nira) et  Avi Schnaidman (Yoav) sur le tournage de L'Institutrice

Nadav Lapid, Sarit Larry (Nira) et Avi Schnaidman (Yoav) sur le tournage de L’Institutrice

Nadav Lapid © Paul Blind

Nadav Lapid à Cannes © Paul Blind

 

 

Catégories : Actualités · Coproductions

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