Olivier Père

Cannes 2013 Jour 6 : Un château en Italie de Valeria Bruni Tedeschi (Sélection officielle – Compétition)

Après Il est plus facile pour un chameau… et Actrices Un château en Italie est le troisième long métrage de Valeria Bruni Tedeschi qui poursuit une veine à la fois intimiste et autobiographique puisque les trois films puisent leur inspiration dans la vie de l’actrice et réalisatrice. Autant dire tout de suite qu’Un château en Italie est son meilleur film, le plus accompli, le plus bouleversant. Ici le ton est davantage tragique, voire mélodramatique que dans les deux films précédents puisqu’Un château en Italie évoque la maladie de Ludovic (formidable Filippo Timi, qui fut le Mussollini de Bellocchio dans Vincere), le frère de Louise (Valeria Bruni Tedeschi) qui se meurt du sida, l’impossibilité de Louise de tomber enceinte de son jeune amant (interprété par Louis Garrel), la gestion d’un patrimoine familial encombrant (le fameux château en Italie, un Breughel, …) puisque Louise et Ludovic sont issus d’une grande famille de la bourgeoisie industrielle italienne, dont ils sont les derniers représentants avec leur mère (Marisa Borini, la propre mère de Valeria Bruni Tedeschi).

Coécrit avec ses complices habituelles Noémie Lvovsky et Agnès de Sacy le film parvient à créer du romanesque pur à partir d’événements qu’on imagine réels et qui auraient pu faire basculer Un château en Italie du côté de l’autofiction, voire de l’œuvre à clés. Certes il n’est pas difficile de reconnaître dans tel rôle secondaire l’un des plus grands cinéastes français (qui n’en sort pas forcément grandi), certains acteurs sont censés jouer leurs propres rôles (mention particulière à Louis Garrel qui n’a jamais été aussi bien), on devine que certains dialogues, comme chez Eustache, sont vrais et extraits de situations réelles. Mais le résultat final dépasse de très loin le déballage, la thérapie de groupe ou la simple anecdote.

L’entreprise autobiographique est rigoureuse et comme d’autres avant elle (on pense surtout à des écrivains, Nathalie Sarraute par exemple) le retour sur sa propre vie est propice à un discours et un regard d’une grande sensibilité et d’une subtilité plus grande encore sur la vie en général, sur nos vies à tous. A ceux qui accuseront Valeria Bruni Tedeschi de vouloir nous apitoyer avec ses problèmes de pauvre petite fille riche on rétorquera que la mort d’un frère, la stérilité, l’amour peuvent frapper toutes les femmes, toutes classes et tous âges confondus.

Tout le monde n’a pas un château en Italie, mais nous nous posons tous la question de ce que nous laisserons après notre mort et ce que nous pourrons conserver des êtres que nous avons aimé ou qui ont appartenu à notre famille, et ce legs, cet héritage peut être aussi bien matériel que spirituel.

Les événements qui se succèdent dans Un château en Italie sont dramatiques, le film baigne dans une atmosphère de catastrophe et d’apocalypse douce ; un monde ancien se désagrège sans pour autant laisser la place à un autre ; bientôt il ne restera plus que les souvenirs des vivants et puis plus rien.

Pourtant une forme de burlesque mélancolique demeure puisque l’originalité du film repose sur le rapport déréglé qu’entretiennent Louise (et presque tous les autres protagonistes) avec la réalité : longtemps tenue à l’abri des soucis et des problèmes de la vie quotidienne par la fortune paternelle, Louise prend de plein fouet le monde réel avec ses accidents, ses drames, ses revers de fortune et le désespoir de ne pouvoir donner la vie.

Beau et courageux projet de cinéma que de partir de sa personne pour créer un personnage, et de le mettre en scène avec une intelligence et une élégance hors du commun.

 

Le film est produit par Saïd Ben Saïd et c’est une coproduction ARTE France Cinéma. Il sera distribué en salles par Ad Vitam au mois d’octobre.

 

 

 

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