Olivier Père

Hero de Zhang Yimou

Hero (Ying Xiong, 2003) la superproduction de Zhang Yimou est diffusée ce soir sur ARTE à 20h50.

Apparue dans les années 80, avec la nouvelle vague asiatique menée par Tsui Hark, la curiosité fascinée des cinéphiles occidentaux pour le film de sabre chinois dut attendre l’an 2000 et le succès international de Tigre et Dragon d’Ang Lee (coproduit par les Américains mais mis en scène et joué en cantonnais par des chinois) pour toucher le grand public international. Les spectateurs non-initiés furent surpris et immédiatement séduits par la grâce de duels à l’épée où les combattants virtuoses – hommes et femmes – se propulsent dans les airs en défiant les lois de l’apesanteur, reliés à des câbles plus ou moins bien dissimulés avant l’apparition des trucages numériques. Ces scènes furent popularisées très tôt à Hong Kong dans les films d’aventures à costumes appelés « wu xia pian », souvent adaptés de classiques de la littérature chinoise. Dans les années 60, des metteurs en scène travaillant pour les studios Shaw Brothers (King Hu, Chu Yuan, Chang Cheh, Liu Chia-liang pour ne citer que les meilleurs) vont fixer les règles esthétiques du genre, en donnant à ces combats une valeur et une importance variables suivant leur personnalité. King Hu, cinéaste raffiné et cultivé, auteur du célèbre A Touch of Zen (1972) qui mêle spiritualité et complots politiques, et du très beau Raining in the Moutain (1979) a directement influencé Ang Lee pour Tigre et Dragon.

Maggie Cheung dans Hero

Maggie Cheung dans Hero

C’est dans cette tradition – le « wu xia pian » esthétisant et historique – que s’inscrit Hero de Zhang Yimou, fresque sur l’unification chinoise ponctuée de combats virevoltants effectués par des stars du cinéma de Hong Kong (Maggie Cheung, Jet Li, Tony Leung) plus la pékinoise Zhang Ziyi dont Zhang Yimou fut le Pygmalion. Le film affiche des intentions nationalistes en glorifiant l’importance de l’unité de la Chine et en illustrant les racines philosophiques et mythologiques de cette réunification. Hero est basé sur des évènements réels qui ont inspiré une légende racontée de génération en génération en Chine. L’histoire du film se déroule lors de la « Période des Etats guerriers », située entre 475 et 221 avant Jésus-Christ, durant laquelle la Chine actuelle était divisée en sept royaumes qui se disputaient le territoire. Pour mettre fin à ces guerres permanentes trois assassins sont chargés d’éliminer le roi de Qin, obsédé par la conquête de la Chine. Un mystérieux espion demande une audience au roi en prétendant avoir éliminé les trois tueurs. Le film fait l’éloge d’une poignée de personnages aux qualités morales et physiques hors du commun qui poussèrent très loin le sens du sacrifice et de l’abnégation, renonçant à la vie et à l’amour pour qu’existe enfin une Chine unifiée et puissante.

Hero est un film d’un raffinement visuel inouï qui met en scène le rapprochement entre la calligraphie et les arts martiaux, déjà illustré dans certains films de King Hu. Zhang Yimou et son talentueux directeur de la photographie Christopher Doyle (qui signa les images des premiers films de Wong Kar Wai) composent une succession de séquences en forme de tableaux monochromes, et mettent en scène des chorégraphies éblouissantes, qu’ils s’agissent de larges mouvements de foules et d’armées, d’étreintes amoureuses ou de duels au corps à corps, toujours avec une grâce aérienne et démesurée. Les acrobaties, l’utilisation des trucages numériques et des filtres de couleur, la recherche permanente de l’image sublime pourraient être ennuyeuses et répétitives si elles ne débouchaient sur un spectacle fascinant et digne des plus grands mélodrames (et aussi des chefs-d’œuvre du cinéma de propagande), où triomphent avant tout la beauté et la classe aristocratique presque surhumaines des acteurs, Zhang Ziyi, Tony Leung et Maggie Cheung en tête.

Maggie Cheung dans Hero

Zhang Ziyi dans Hero

 

 

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