Olivier Père

La Dernière Tentation du Christ de Martin Scorsese

Le film de Martin Scorsese ressort sur les écrans français aujourd’hui, à l’initiative du distributeur Ciné Sorbonne. Personne n’a oublié qu’à sa sortie en 1988, La Dernière Tentation du Christ (The Last Temptation of Christ) fut victime d’une attaque des Catholiques, intégristes et extrémistes de droite qui, spécialement en France, multiplièrent les manifestations et les attentats contre ce film taxé de blasphémateur, jusqu’à incendier le cinéma Saint-Michel à Paris, causant la mort d’un spectateur.

La Dernière Tentation du Christ

La Dernière Tentation du Christ

La critique ne fut guère plus tendre, pour de toutes autres raisons, on s’en doute, en accusant Scorsese de lourdeur visuelle, de mauvais goût et surtout de bondieuserie. Il est vrai que le film ne s’embarrasse pas d’images sulpiciennes et de grands discours sur la foi (il est adapté du célèbre roman, un peu daté, de Nikos Kazantzakis). Il ose surtout des rencontres esthétiques assez abruptes entre les conventions hollywoodiennes les plus caduques (Jésus est interprété par Willem Dafoe, alors jeune acteur blond aux yeux bleus, sorte de clone rachitique de Charlton Heston) et les afféteries modernistes les plus irritantes (la world music de Peter Gabriel). Et pourtant, La Dernière Tentation du Christ s’élève largement au-dessus des deux ratages « spiritualistes » de Scorsese commis à la fin des années 90, Kundun et À tombeau ouvert.

Plutôt que de s’auto parodier, Scorsese expérimente de nouvelles formes cinématographiques, puisées dans les origines du cinéma comme dans la modernité, entre solennité et grand guignol, imagerie respectueuse et foutoir kitsch. À revoir le film, on est frappé par l’audace souvent payante de Scorsese, son souci de filmer « à la lettre » certains épisodes des Évangiles, sa croyance dans la représentation, la puissance évocatrice des plans, l’intensité presque grandiloquente de l’interprétation. Un cinéma qui finit par évoquer l’art des pionniers du cinéma hollywoodien muet, Cecil B. De Mille et surtout King Vidor, dont la religiosité, le monumentalisme jusque dans l’intime pouvait également frôler l’hystérie. Un film à part dans l’œuvre de Scorsese et dans le cinéma américain contemporain.

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