Félix Vallotton, les couleurs du désir

En 1882, Félix Vallotton, tout juste 16 ans, laisse derrière lui Lausanne et sa stricte éducation protestante pour se former à la peinture à Paris, à l’académie Julian. Admirateur des maîtres anciens, ce bourreau de travail solitaire, tombé amoureux d’une petite couturière devenue son modèle, Hélène Chatenay, rejoint en 1890 le groupe des nabis, qui simplifient les formes et saturent les couleurs. Après l’échec de son Bain au soir d’été au Salon des indépendants de 1893, le Vaudois abandonne ses pinceaux pour révolutionner l’art de la gravure sur bois – à l’image de la série Intimités, satire en dix scènes du couple bourgeois. Mais alors qu'il collabore avec de nombreux journaux politiques, ce proche de la mouvance anarchiste brouille encore les cartes en revenant à la peinture et en épousant Gabrielle Bernheim, veuve et mère de trois enfants, issue d’une riche famille qui va favoriser sa carrière. Aux scènes d’intimité familiale, de plus en plus chargées de tension, succéderont une impressionnante collection de nus, des tableaux mythologiques puis, après la Première Guerre mondiale, des paysages aux couleurs éclatantes. 

Inclassable 
Fuyant les avant-gardes (après le chapitre nabi) comme l’académisme, Félix Vallotton (1865-1925) a placé le spectateur face à ses désirs et ses angoisses à travers des œuvres réalistes empreintes de trouble, dans lesquelles la figure féminine, à la fois attirante et menaçante, occupe une place prépondérante. De la France à la Suisse, ce documentaire retrace, en compagnie de conservateurs et conservatrices et de peintres contemporaines, la trajectoire singulière de ce créateur énigmatique, disparu il y a cent ans. Nourrie de ses propres mots – extraits de sa correspondance ou de son roman La vie meurtrière –, d’analyses de son abondante production et de riches archives, une passionnante exploration de ses ambitions artistiques et de ses tourments intimes.