Olivier Père

Black Sunday de John Frankenheimer

Un ancien officier de l’armée américaine, Lander (Bruce Dern), dégradé et retourné à la vie civile avec un désir de revanche, a contacté l’organisation terroriste palestinienne avec le projet de faire exploser une bombe à fragmentation transportée par un dirigeable au-dessus d’un stade de 85.000 spectateurs. Dahlia (Marthe Keller), jeune femme manipulatrice et déterminée, est son amante et sa complice. Deux super agents du Mossad, Kabakov (Robert Shaw) et son adjoint Moshevsky, aidés par le FBI, tentent de déjouer l’opération. Septembre Noir, formée en 1970, fut responsable de l’assassinat du premier ministre jordanien Wasfi Tall en novembre 1971, de la prise d’otage au cours de laquelle furent tués onze athlètes israéliens et un policier allemand, durant les Jeux Olympiques de Munich en septembre 1972, ainsi que près d’une quarantaine d’attentats à travers le monde. En 1975, le premier roman de Thomas Harris entendait dépeindre l’impuissance des autorités institutionnelles et sécuritaires dans la lutte contre le terrorisme international. Deux ans plus tard, le roman devient un film, produit par Robert Evans et réalisé par John Frankenheimer.

Frankenheimer a toujours été passionné par la violence politique, qu’il a évoqué dans plusieurs de ses films. Un crime dans la tête traite de la programmation d’un « agent dormant » qui obéit aux aveuglément aux ordres de tuer. Sept Jours en mai est le récit d’une tentative de putsch contre le président des Etats-Unis durant la Guerre Froide. Les origines européennes de Frankenheimer et sa judéité ne sont pas étrangères à cette obsession pour la violence politique. Le Train était un film sur la résistance antinazie en France. Après Black Sunday, qui porte l’empreinte de l’opération « Colère de Dieu » (la prise d’otages sanglantes des athlètes israéliens aux J.O. de Munich), Frankenheimer consacrera deux autres films au terrorisme international : Dead Bang (1989) relate la traque d’un meurtrier membre d’un groupe de suprémacistes blancs, tandis que Year of the Gun (1991) plongeait le spectateur dans l’Italie des années de plomb, secouée par les agissements des Brigades rouges. Frankenheimer, qui avait réalisé tous les films de campagne de Robert Kennedy pour sa candidature à l’élection présidentielle lors des primaires du parti démocrate, a toujours refusé de considérer Black Sunday comme un film politique, malgré ou à cause de son sujet d’une actualité brûlante. Selon lui, l’engagement politique n’était pas compatible avec les ressorts mélodramatiques et spectaculaire d’un film hollywoodien. Dans Black Sunday, Frankenheimer choisit délibérément le parti-pris de l’action et du suspens, sans discours idéologique, mais en prenant soin de rendre crédible les motivations des personnages et leur manière d’opérer. Le cinéaste veut éviter de représenter les terroristes comme de simples fous sanguinaires, en situant leur projet dans le contexte de la politique internationale. Lander est devenu un dangereux paranoïaque à la suite du traumatisme vietnamien et de l’infidélité de son épouse, concomitante à ce qu’il considère comme une trahison de son pays. Le fanatisme de Dahlia est expliqué par sa trajectoire personnelle, mais aussi par sa volonté farouche de punir les Etats-Unis, alliés d’Israël. Le film est prophétique dans la mesure où il insiste sur l’importance de la médiatisation des cibles visées par les terroristes, qui prennent soin de communiquer sur leurs actions, comme en témoigne le message de revendication que Dahlia enregistre à l’attention de la presse au début du film.

 

Black Sunday n’a pas obtenu le succès escompté au moment de sa sortie et a essuyé de violentes polémiques aux Etats-Unis, mais aussi au Japon où son exploitation a été interrompue à la suite de menaces de mort. Quelle que fut la réception du film, John Frankenheimer est demeuré très satisfait de Black Sunday, et de sa collaboration avec Bob Evans. Il a affirmé que c’était l’un des films de sa carrière où il avait fait le moins de compromis. Cette déclaration n’est pas à prendre à la légère. Elle vient rappeler la passion, mais aussi l’engagement de John Frankenheimer, palpables dans ses meilleurs films.

 

Extrait du livret écrit pour l’édition française du film, paru chez Sidonis Calysta en combo BR/DVD

 

 

 

 

Catégories : Actualités

2 commentaires

  1. Comet dit :

    Film très intéressant acheté après avoir lu votre blog. L’affiche est trompeuse parce qu’on croit que l’action va être uniquement centrée sur le Super Bowl un peu sur le modèle d’Un Tueur dans la foule alors que pas du tout. C’est un film vraiment plaisant à voir avec peut-être un léger bémol sur la restauration de la copie mais en tout cas c’est une belle surprise ponctuée de scènes très efficaces.

  2. Olivier Père dit :

    Oui c’est un faux film catastrophe… Le film a sans doute influencé le MUNICH de Spielberg, sur un sujet proche.

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