Olivier Père

Tromperie de Arnaud Desplechin et Un jour de pluie à New York de Woody Allen

ARTE offre l’occasion de voir ou revoir en février deux films récents de cinéastes qu’il est tentant de comparer et de mettre en perspective. Il y a chez Desplechin une admiration affirmée pour l’auteur de Crimes et Délits, et un désir d’Amérique qui a souvent pris des chemins détournés – Tromperie est l’adaptation en français d’un roman de Philip Roth. Il y a chez le cinéaste new yorkais un amour du cinéma européen qu’il a d’abord exprimé dans des films conçus comme des hommages à Bergman et Fellini, puis par des voyages loin de Manhattan dans les villes de Londres, Paris, Barcelone… Bergman et Truffaut sont certainement les deux maîtres qui unissent Desplechin et Allen. Fort heureusement, les références trop voyantes s’estompent au fil du temps, et ces deux films permettent d’apprécier des auteurs en liberté, qui n’ont plus rien à prouver et conservent un plaisir intact à établir un rapport ludique avec la fiction et les comédiens.

 

 

Tromperie (2021) utilise la forme du huis-clos et du « film de chambre », en adéquation avec la période du confinement où il a été tourné. Un écrivain américain séjourne à Londres. Il entretient une liaison avec une femme mariée plus jeune que lui, et nourrit son nouveau livre des discussions qu’ils ont ensemble. Lorsque son épouse suspecte sa relation extraconjugale, il prétend que tout est le fruit de son imagination. Arnaud Desplechin adapte un roman de Philip Roth, qu’il admire depuis longtemps. Tromperie offre davantage qu’un récit d’adultère. Le film propose un jeu de masques sur les vertiges de la fiction, ainsi qu’une réflexion sur les rapports entre les hommes et les femmes. Le cinéaste opte pour la stylisation, la théâtralité et même l’onirisme. Il met en scène le désir et la parole dans un film sensuel et intime, magnifiquement interprété par Léa Seydoux, Denis Podalydès et Anouk Grinberg.

 

Diffusion le mercredi 14 février à 20h55

 

Un jour de pluie à New York (A Rainy Day in New York, 2019) est une ultime déclaration d’amour à la ville que Woody Allen a si souvent sublimé dans ses films. Les beaux quartiers et les parcs n’ont jamais été aussi romantiques. Pourtant, rien ne se passe comme prévu pour les deux tourtereaux en week-end à Manhattan. Cette comédie sentimentale, loin de sombrer dans la mièvrerie, propose une satire acide des milieux du cinéma et de la grande bourgeoisie. L’humour se teinte alors de mélancolie, et les mots d’esprit cèdent la place à l’émotion. Woody Allen fait souffler un vent de jeunesse sur son film en confiant les principaux rôles à des vedettes de la nouvelle génération : Timothée Chalamet, Elle Fanning et Selena Gomez apportent fraîcheur et élégance au conte moral du vieux maître.

 

Diffusion le mercredi 21 février à 20h55.

 

 

 

 

Catégories : Sur ARTE

Un commentaire

  1. Ballantrae dit :

    Deux films remarquables de leurs auteurs respectifs et fort pertinemment rapprochés par vos soins.
    Le premier frappe par sa capacité à incarner un récit complexe qui aurait pu devenir abstrait et devient au contraire très physique. Un film de chambre de Desplechin comme il y eut les films de chambre bergmaniens puis alleniens.
    En découvrant Tromperie, je m’apercevais aussi que, tout en inventant, le cinéaste avait compris l’importance de la fidélité au texte telle que posée par Bresson ou Truffaut ( pour les deux films tirés de H P Roche): l’audace est parfois à trouver dans le texte même et sa solution de transposition, en collant à son essence.
    Et c’est assez merveilleux qu’avoir conçu un film aussi fort au cœur du moment de la pandémie où on pouvait désespérer de la possibilité même d’un tournage.
    Un jour de pluie à NY est une petite merveille faussement légère dont Allen a le secret. Et il porte sur ses épaules les premiers effets hexagonaux de l’hystérie américaine poussant à le boycotter : sortie différée, accompagnement distant par les acteurs…
    Je défendrai l’art de W Allen et W Allen dans ce feuilleton qui nécessite de revenir vers l’espace légal après ce qui s’apparente à une instrumentalisation de l’espace médiatique par M Farrow.
    Bon sang on parle de W Allen! Pas d’un psychopathe pestifere mais d’un homme blanchi à deux reprises par la justice et d’un grand cinéaste.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *