Olivier Père

Vera Cruz de Robert Aldrich

ARTE diffuse Vera Cruz (1954) de Robert Aldrich dimanche 24 octobre à 20h55. Ce chef-d’œuvre du western marque une étape importante dans l’histoire du genre. Il est signé par Robert Aldrich qui a enchainé dans les années 50, au début de sa carrière, une succession impressionnante de films majeurs, salués par la critique et le public : Bronco Apache, Vera Cruz, En quatrième vitesse, Le Grand Couteau et Attaque. L’action de Vera Cruz se déroule pendant la guerre civile mexicaine, qui oppose les partisans de Juarez et les troupes de l’empereur Maximilien, archiduc d’Autriche imposé par Napoléon III. Nous sommes au lendemain de la Guerre de Sécession et des aventuriers américains cherchent au Mexique des moyens de s’enrichir en monnayant leurs services aux deux camps ennemis. Parmi eux, un ancien officier sudiste ruiné par la défaite, et un brigand à la tête d’un groupe de mercenaires. Les deux hommes s’associent et acceptent une mission en apparence sans danger : escorter une princesse française jusqu’à Vera Cruz. Mais le carrosse dissimule une fortune en pièces d’or et le voyage se révèle semé d’embuches. Dans Vera Cruz, Aldrich adopte un style baroque et coloré et teinte ce récit picaresque de beaucoup d’ironie et de pessimisme. Vera Cruz rompt avec le manichéisme du western classique qui opposait souvent le bien au mal. Ici, tous les personnages sont cupides et violents, capables de trahisons et de coups bas : les mercenaires, mais aussi les représentants corrompus du pouvoir. Si Burt Lancaster incarne à la perfection un bandit dénué de morale capable de tuer ses complices pour empocher seul un butin, Cary Cooper est lui-aussi admirable en gentleman de la Nouvelle-Orléans, ayant sombré dans la misère et renoncé à ses principes, même si l’idéal révolutionnaire des juaristes finira par lui inspirer le respect. Malgré sa violence et son nihilisme, le film ne manque pas d’humour et se signale par des dialogues à la limite de la parodie. Aldrich racontait que le tournage débuta sans que le scénario soit terminé, ce qui l’obligea à improviser de nombreuses séquences. Loin de pénaliser le film, ces conditions de travail acrobatiques ont insufflé un souffle et une vitalité exceptionnelles à Vera Cruz. Ce western hors du commun est porté par deux stars appartenant à des générations différentes. Cooper prend le risque de ternir son image de preux justicier et d’homme intègre en interprétant un hors-la-loi cynique et désabusé. Lancaster impose une virilité et un charisme flamboyants et confère à son personnage d’anti-héros un extraordinaire pouvoir de fascination. Aldrich réunit autour d’eux des seconds rôles aux mines patibulaires, parmi lesquels Ernest Borgnine, qui deviendra un fidèle du réalisateur, et Charles Buchinsky, futur Bronson. Il est possible de considérer Vera Cruz comme un précurseur de certains westerns italiens, caractérisés par leur immoralisme, et aussi de La Horde sauvage de Sam Peckinpah, où le Mexique est le théâtre de la défaite de toutes les valeurs.

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