Olivier Père

Le Train de John Frankenheimer

ARTE diffuse Le Train (The Train, 1964) de John Frankenheimer dimanche 28 mars à 20h55.

Le Train s’inspire d’un épisode réel de la résistance française : empêcher coûte que coûte l’acheminement vers l’Allemagne d’un chargement d’œuvres d’art d’une valeur inestimable volé par l’occupant nazi. Un cheminot et ses complices vont faire en sorte que le convoi ferroviaire et les tableaux n’arrivent jamais à destination. Le film se distingue d’autres superproductions sur la Seconde Guerre mondiale par l’ambition de son propos. Au-delà du suspens, de la reconstitution historique et de scènes d’action extrêmement spectaculaire, se dessine une réflexion sur la place de la culture dans notre civilisation, menacée par l’hégémonie du IIIème Reich.

Comme Grand Prix, réalisé deux ans plus tard, Le Train s’évertue à brouiller les pistes au sujet de la personnalité de Frankenheimer. Est-il un excellent technicien, capable de mener à bien de commandes prestigieuses et de leur insuffler un style visuel percutant, ou alors un véritable auteur, à la fois visionnaire et moraliste. Frankenheimer lui-même semble hésiter, et ses choix de carrière ajoutent à la confusion. Il n’est insensible ni à la reconnaissance critique de son travail, ni à la recherche effrénée d’énormes succès commerciaux. A la demande de Burt Lancaster, seul maître à bord, John Frankenheimer accepte de remplacer Arthur Penn, renvoyé après quelques jours de tournage. Lancaster et Frankenheimer avaient déjà travaillé ensemble sur deux films, au prix de nombreuses frictions mais avec des résultats artistiques probants. Conscient de la réussite exceptionnelle du Prisonnier d’Alcatraz (où Frankenheimer avait succédé à Charles Crichton, lui aussi débarqué par la star autocrate), Lancaster fait de nouveau appel au jeune cinéaste. Mais Frankenheimer n’est pas un mercenaire, ni un docile exécutant. Il insuffle à cette commande prestigieuse son style énergique et réaliste, sans négliger de la doter d’une dimension morale. Sa virtuosité technique s’ajoute à de formidables talents de conteur, comme en témoigne l’opération secrète des résistants, digne d’un épisode de Mission : impossible.

 

Le Train, superproduction franco-américaine dont la distribution comprend Jeanne Moreau, Suzanne Flon et Michel Simon, est disponible depuis plusieurs mois en combo blu-ray et DVD dans la collection « La séance », édité par Coin de Mire.

 

Catégories : Sur ARTE

4 commentaires

  1. Jicop dit :

    Plus les annees passent plus j’ai l’impression que le travail de Frankenheimer est peu a peu rehabilite . Il n’y a qu’a voir le statut de  » l’operation diabolique/seconds  » ressortI il y a quelques annees au cinema en nouvelle copie .
    Un peu a la maniere de Richard Fleischer, Frankenheimer a vecu son art dans la discretion , ne revendiquant pas a ma connaissance le statut d’auteur . Et la critique ne le lui accordait d’ailleurs pas , occupee qu’elle etait avec des pointures plus mediatiques et/ou plus installees .
    Tout comme Fleischer , Frankenheimer a officie sur plusieurs decennies , tout comme Fleischer il fut ecclectique, empechant peut etre une visualisation precise d’obsessions ou de recurrences , mais j’ai la faiblesse de croire qu’il etait bien plus qu’un simple  » bon technicien  » comme on disait jadis .
     » le train  » en tout cas fait partie de ses reussites , film de guerre rigoureux et ambitieux sur le fond comme sur la forme .

  2. Victor G. dit :

    Jean -Pierre Coursodon et Bertrand Tavernier , tous deux disparus récemment, nous ont laissé un excellent 50 ans de cinéma américain que je ne me lasse jamais de compulser. On peut y lire notamment cette citation de Frankenheimer : « Bergman, Losey, voilà les cinéastes qui comptent…Je voudrais faire partie de tout cela. » Il ne manquait donc pas tout à fait d’ambition artistique.

  3. Victor Jr. dit :

    quel est votre film préféré de Frankenheimer?

    • Olivier Père dit :

      I WALK THE LINE (j’ai participé au livret du combo blu-ray/DVD récemment édité par Sidonis/Calysta) et THE GYPSY MOTHS.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *