Olivier Père

Le Voyou de Claude Lelouch

ARTE diffuse Le Voyou (1970) de Claude Lelouch lundi 9 décembre à 20h55.

Le Voyou est la première contribution de Lelouch à la mythologie du cinéma policier. Il porte son dévolu sur un personnage d’escroc à la fois cynique et sympa, désagréable et séducteur, formidablement interprété par Jean-Louis Trintignant. Le voyou du titre possède toutes les qualités négatives de l’antihéros selon Lelouch. Il se conduit comme un malotru avec les femmes, utilise son intelligence à des fins malhonnêtes, ne pense qu’à l’argent, est forcément apolitique. Pourtant, il établit la synthèse, nouvelle à l’époque, entre l’esprit canaille à la parisienne et le « cool » importé d’Amérique, Sacha Guitry et Steve McQueen. Ce drôle de type, c’est bien Lelouch lui-même, qui trouve en Trintignant un alter ego parfait. Le Voyou se démarque d’une certaine tradition du polar français. Lelouch remplace le pittoresque par le trivial. Il se distingue également de la stylisation de Melville. Ce qui fait le charme du film, c’est son mélange d’improvisation (les dialogues) qui le rapproche d’un nouveau réalisme, et le goût de Lelouch pour les constructions narratives sophistiquées. Le film est structuré en deux parties. Ces deux parties sont chronologiquement inversées, l’enlèvement de l’enfant ayant lieu avant l’évasion. Lelouch s’amuse à imbriquer ces deux parties de manière à nous faire croire que l’action en cours est dans le présent, alors qu’elle se déroule dans le passé. Le cinéaste invente une sorte de « flash-back au présent » et joue avec les différentes temporalités du récit, sans jamais perdre l’attention du spectateur. Lelouch retrouvera cette manière ludique de raconter la préparation et l’exécution d’un coup particulièrement audacieux dans La Bonne Année, l’un de ses meilleurs films. A la fois virtuose et décontracté, Le Voyou peut être vu comme un ancêtre tricolore de Pulp Fiction de Quentin Tarantino. La diffusion du Voyou nous permet de saluer la mémoire de Charles Gérard, disparu en septembre 2019, éternel copain et inénarrable comparse, complice ou souffre-douleur de Belmondo, Ventura ou Trintignant. Il fait ici sa première apparition dans un film de Lelouch, dans le rôle de Charlot.

 

 

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