Olivier Père

Le Professeur de Valerio Zurlini

Valerio Zurlini (1926-1982) était le grand cinéaste des passions tristes. Entre chronique et mélodrame, ses plus beaux films nous transportent sur les rives du désespoir et de l’élégie. Cet auteur élégant, cultivé et dépressif, le moins productif des cinéastes italiens importants de l’après-guerre – à peine huit longs métrages pour le cinéma – a signé en 1972 un chef-d’œuvre maudit, qui pourrait également revendiquer le statut de testament artistique. Il s’agit du Professeur (titre français indigne de l’italien, La prima notte di quiete, « la première nuit de tranquillité », soit la mort – selon Goethe). Zurlini, en pleine crise existentielle, s’y livre comme jamais. C’est un film d’une noirceur absolue, nihiliste et bouleversant, une histoire d’amour impossible qui n’a d’autre issue que l’anéantissement. Dans l’œuvre de Zurlini, Le Professeur vient dialoguer avec un titre génial, Journal intime (Cronaca familiare) réalisé en 1962. Zurlini ne parle plus des rapports entre deux frères, mais de l’attirance d’un professeur de lettres en pleine déconfiture conjugale pour une de ses étudiantes (la très belle Sonia Petrovna, la même année que Ludwig de Visconti !). Le film se déroule dans une Rimini hivernale où nous retrouvons le talent de paysagiste de Zurlini, cette fois-ci épaulé par le directeur de la photographie Dario Di Palma, et le froid lyrisme de sa mise en scène. Entouré d’une bande de « vittelloni » assez louches (parmi lesquels Giancarlo Giannini et Renato Salvatori), Daniele Dominici, porteur d’une blessure secrète, y fait l’expérience de l’ennui provincial mais aussi de la souillure et d’une certaine décadence morale. Dans le rôle de Daniele, Alain Delon est admirable. Il livre dans Le Professeur une de ses interprétations les plus admirables, et les plus pathétiques de tout sa carrière. Également coproducteur, la star française se brouillera avec Zurlini, changera le titre et coupera près de quarante-cinq minutes du film lors de son exploitation française. Il a fini récemment par concéder son erreur. C’est évidemment dans sa longue, exténuante et dépressive version italienne qu’il faut découvrir, voir et revoir jusqu’au malaise ce monument d’autodestruction et de passion morbide.

 

Ressortie en salles mercredi 12 juin, pour la première fois en France en version intégrale et restaurée, distribué par Les Films du Camélia.

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