Olivier Père

Zombie de George A. Romero

Zombie (Dawn of the Dead, 1978) est le deuxième titre de la saga des morts-vivants engagée par George A. Romero en 1968 avec sa mythique Nuit des morts-vivants, production indépendante en noir et blanc qui allait révolutionner le fantastique et poser le premier jalon de l’horreur moderne au cinéma. Dans cette suite toujours aussi indépendante, mais bénéficiant d’un budget plus important, Romero conserve le même postulat de base : les morts reviennent à la vie et dévorent les vivants. Un groupe de survivants, trois hommes et une femme, fuit la ville en hélicoptère et se réfugie dans un centre commercial désaffecté, bientôt cerné par les zombies. Zombie est un titre essentiel du nouveau cinéma fantastique des années 70, et un chef-d’œuvre indiscutable du cinéma « gore ». Ici l’horreur se pare des atours du film d’action et du western urbain. Romero conserve l’idée de huis clos mais la couleur succède au noir et blanc, un vaste espace à une simple maison isolée, et Zombie est cent fois plus spectaculaire que La Nuit des morts-vivants. Dans les deux films, le personnage central est un homme noir. Romero continue d’inscrire la question raciale au centre de ses films. Au thème du racisme il ajoute ceux du consumérisme et de l’aliénation. Romero met en scène une succession d’attaques et de tueries à la violence nihiliste, digne de Sam Peckinpah, avec des débordements sanguinolents orchestrés par le maquilleur fou Tom Savini. La participation de Dario Argento à la production donnera naissance à une version européenne plus nerveuse et bénéficiant de la musique angoissante et frénétique du groupe rock Goblin, déjà à l’œuvre sur Suspiria. Le film ne sortira en France qu’en 1983, après avoir été totalement interdit par la censure. L’édition VHS (chez René Château, dans la fameuse collection « les films que vous ne verrez jamais à la télévision ») connaîtra un grand succès et hantera longtemps les vidéoclubs. L’ambiance apocalyptique de Zombie, avec ses hordes sinistres de zombies déboussolés qui reviennent hanter un ancien lieu de vie aura un impact considérable sur la culture populaire. Et traumatisera plusieurs générations de spectateurs. Le coffret collector blu-ray proposé par ESC, outre de nombreux suppléments audiovisuels et un livre de 150 pages de Marc Toullec, permet de revoir dans des conditions optimales le film dans ses différentes versions : le montage américain plus long et plus fidèle au style de Romero, le montage européen supervisé par Argento, mais aussi une version hybride très rare projetée à l’époque au Marché du film du Festival de Cannes.

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Un commentaire

  1. derouet dit :

    Si effectivement le film de G.Roméro, « La Nuit des morts-vivants » de 1968 du moins en France avait reçu un accueil dans l’ensemble positif, mais tout en refusant de voir les aspects politiques. C’est pourtant bien une métaphore d’une Amérique en proie à un refoulé qui fait retour, et le zombie est ainsi devenu à partir de ce film pour Roméro l’être symbolique d’une nation obsédée par la question de l’Autre et la définition du Mal. Comme le déclare à l’envi les personnages de son oeuvre » Ils sont comme nous ».
    En 1983, après plusieurs années de censure le contexte est très différent. La Commission de contrôle des films cinématographiques a interdit le film pendant près de 5 ans. A l’époque son président justifiera la censure au nom d’une interprétation politique de Zombie. Les membres de la commission auraient vu dans l’assaut des bikers et leur jubilation à massacrer des morts-vivants « une philosophie effrayante, avec une humanité et une sous-humanité  » et  » Cette joie de tuer son semblable, de tuer les sous-hommes  » formerait les racines de l’idéologie nazie » !!! dont il fallait protéger la jeunesse.
    C’est donc bien sur une analyse politique,qui repose sur un contre sens complet, qui a provoqué la censure.
    Donc la critique de l’époque quasi unanime dont l’inénarrable Télérama, mais pas que lui ( je m’en souviens bien ) juge Zombie tantôt ridicule, tantôt écœurant, et, à quelques rares exceptions, la valeur pamphlétaire et politique échappe totalement.
    Heureusement des revues spécialisées, comme Mad Movies, L’Écran fantastique et surtout Starfix défendent le réalisateur. La revue dirigée par Christophe Gans sort de 1983 à 1986 trois articles sur G.Romero et une interview du réalisateur, visant à présenter celui-ci comme un auteur à part entière, dont l’œuvre est traversée par des préoccupations politiques et sociales.

    Une œuvre essentielle du cinéma fantastique.

    Pour les aspects formels et thématiques voir « Le cinéma gore une esthétique du sang  » de Philippe Rouyer.
    Pour les aspects de la figure du refoulé, du fantastique voir  » Hollywood et le rêve américain Cinéma et idéologie aux états-unis » d’Anne-Marie Bidaud. Essentiel pour comprendre que sous couvert de divertissement le cinéma hollyoodien demeure le vecteur idéal de la société américaine.
    Pour les aspects politiques « Politique des zombies ». L’Amérique selon George A. Romero de Jean-Baptiste Thoret.

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