Olivier Père

Mémoires de nos pères de Clint Eastwood

ARTE diffuse Mémoires de nos pères (Flags of Our Fathers, 2006) dimanche 14 janvier à 20h55. Avec Mémoires de nos pères et Lettres de Iwo Jima, réalisés à quelques mois d’intervalle, Clint Eastwood s’impose en mémorialiste de la Seconde Guerre mondiale en racontant, du point du vue américain puis du point de vue japonais, la bataille d’Iwo Jima qui en février en mars 1945 offrit aux troupes américaines une victoire décisive dans la guerre du Pacifique, au prix de milliers de morts dans les deux camps. Pour raconter cette bataille, Mémoires de nos pères adopte un angle original. Le film de Clint Eastwood est avant tout l’histoire d’une photo : celle prise par le photographe américain Joe Rosenthal le 23 février 1945 montrant cinq Marines érigeant le drapeau étoilé au sommet du mont Suribachi, symbole de la conquête de l’île par les soldats américains à l’issue d’un combat acharné. Au gré d’un récit en flashbacks naviguant entre différentes temporalités – avant, pendant et après le débarquement, mais aussi le retour aux Etats-Unis et la fin de vie d’un des soldats, Mémoires de nos pères propose la reconstitution spectaculaire de la bataille, filmée à hauteur de fantassin, mais aussi une réflexion sur les techniques de propagande des Etats-Unis, qui doivent organiser une collecte de fonds afin de renflouer les caisses vides de l’Etat fédéral et permettre de continuer l’effort de guerre et venir à bout des forces de l’Axe. Cette photographie, avec l’espoir et le triomphalisme qu’elle représente, va se transformer en formidable outil de communication. Le gouvernement aura l’idée de demander à trois soldats parmi les porte-drapeaux survivants à participer à une tournée dans le pays afin de récolter les fonds nécessaires à la poursuite de la guerre. En s’attachant aux destins de ses trois jeunes soldats, Eastwood montre les coulisses d’une vaste entreprise de propagande qui préfigure la politique spectacle et les campagnes médiatiques modernes. Une telle approche annonce celle du récent Un jour dans la vie de Billy Linn de Ang Lee. Les trois soldats déboussolés, traumatisés par la violence des combats, sont exhibés dans des stades remplis d’une foule exaltée, à l’occasion de shows patriotiques où ils sont obligés de reproduire la levée du drapeau. Ce simulacre publicitaire s’accommode de plusieurs entorses à la vérité, puisque deux drapeaux furent en réalité successivement plantés sur l’île. Clint Eastwood rejoint ainsi le John Ford de L’homme qui tua Liberty Valance, dans lequel un mensonge se tranformait en légende, fondatrice de la restauration de la démocratie américaine. Si le réalisateur rend hommage au courage des soldats et à leur sacrifice, il pointe aussi du doigt le cynisme de cette campagne de collecte de fonds bâtie sur une imposture et une manipulation, sans oublier le racisme ordinaire dont est continuellement victime l’un des soldats, d’origine indienne. Si Eastwood a consacré la majeure partie de son œuvre de cinéaste à traiter du thème de l’héroïsme au travers de l’histoire des Etats-Unis, du western aux différents conflits du XXème et XXIème siècle impliquant son pays, il n’en a jamais occulté le côté obscur, honteux et sale, avec un esprit critique et démystificateur.

En toute logique, Lettres d’Iwo Jima de Clint Eastwood sera diffusé le lendemain de Mémoires de nos pères sur ARTE, lundi 15 janvier à 20h55.

Mémoires de nos pères de Clint Eastwood

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