Olivier Père

Cannes 2017 Jour 3 : Visages Villages de Agnès Varda et JR (Hors compétition)

C’est une première pour la doyenne des cinéastes françaises, dont la jeunesse d’esprit et l’imagination galopante pourraient faire rougir bien de ses condisciples moins riches en années de cinéma : un film à quatre mains, mais aussi à quatre pieds et deux paires d’yeux, car il sera souvent question de ballades et de regard au cours de Visages villages, un essai documentaire qui réinvente le road movie et emprunte des chemins de traverse pour partir à la rencontre des habitants d’un pays, la France d’aujourd’hui.

Visages villages est d’abord l’histoire de la rencontre entre Agnès Varda, photographe cinéaste et artiste plasticienne et JR, lui aussi artiste photographe, célèbre pour ses collages gigantesques qui s’invitent au cœur des métropoles du monde entier, loin des musées d’art contemporain. De cette rencontre amicale est née le désir de faire un film ensemble. L’idée d’un voyage à travers la France rurale s’est bientôt imposée. La campagne offre une grande variété de paysages, un rapport plus direct à la nature et à l’environnement, un terrain nouveau pour JR considéré comme un artiste urbain, un retour aux sources pour Agnès V.

Visages villages propose un portrait juste, drôle et parfois bouleversant de la France et de ses habitants. Le duo s’intéresse plus particulièrement au monde ouvrier et paysan, ce qui demeure et ce qui change, et ce qui disparaît. Ce voyage dans l’espace est aussi un voyage dans le temps. Les cinéastes procèdent par juxtapositions, jeux de mots et d’esprit, installations qui établissent des liens entre tradition et modernité, mémoire paysanne et ouvrière et réalités quotidiennes. Les discussions ravivent l’esprit des lieux, convoquent les histoires familiales, pour de vibrants hommages aux disparus et aux vivants, réunis par la parole et l’image.

Le film frappe par sa générosité. Agnès et JR ne cessent de s’interroger sur le sens de leur travail, la valeur des images, leur fabrication, leur démocratisation. Ils font des images en forme de cadeaux, des offrandes éphémères que les personnes qu’ils rencontrent, à la fois modèles et inspirateurs, peuvent s’approprier à loisir.

La démarche est aussi admirable que réjouissante, l’objet cinématographique l’est aussi. Tandis que JR colle ses photos géantes sur les murs, Agnès Varda virtuose du montage comme Alain Resnais et Jean-Luc Godard agence un film collage, avec des rimes, des charades visuelles, des images gigognes. Plusieurs dimensions et aussi plusieurs générations d’images existent dans le même plan. Agnès Varda et JR marient formalisme et liberté, documentaire et poésie.

Au-delà du journal humoristique de la complicité entre les deux artistes, Visages villages est un film sur la rencontre, le lien, la transmission. Les hommes et femmes rencontrés parlent de leur métier, de leurs origines, de leurs familles, de leur rapport avec le monde animal ou végétal. Le film nous raconte que voir et écouter, c’est être dans la vie.

Quant à l’intervenant inattendu et invisible, ermite helvète ou deus ex machina caché derrière ses volets, il aide finalement Agnès et JR à conclure ce voyage à deux de la plus émouvante façon.

 

Visages villages sort le 28 juin dans les salles françaises, distribué par Le Pacte.

 

 

 

 

Catégories : Actualités · Coproductions

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