Olivier Père

Cannes 2017 Jour 2 : L’Amant d’un jour de Philippe Garrel (Quinzaine des réalisateurs)

S’il a abandonné les expériences mystiques et psychédéliques de ses débuts pour un cinéma narratif à l’orée des années 80, Philippe Garrel continue de faire des films en peintre et en poète. Ils sont conçus comme des séries, fabriqués de manière artisanale, avec le refus des tentations inflationnistes et des distractions matérielles. Garrel retranche au lieu d’ajouter, c’est la puissance minimaliste de son cinéma. Comme un artiste dans son atelier il travaille sans relâche les moindres détails, comme un metteur de théâtre il exige un mélange d’abandon et de précision de la part de ses comédiens. Garrel explore les tourments de l’âme et du cœur mais n’oublie pas une forme de picturalité discrète, et travaille la matière cinématographique avec un sens aigu de la composition et du cadre – depuis deux films la collaboration entre Garrel et le directeur de la photographie Renato Berta s’avère extrêmement fructueuse. Les visages féminins sont plus que jamais au centre de son cinéma, et c’est particulièrement vrai avec L’Amant d’un jour qui met en scène deux jeunes femmes d’une vingtaine d’années. Elles gravitent autour d’un homme plus âgé (Eric Caravaca), le père de l’une, l’amoureux de l’autre. Un mélange de complicité et de rivalité va s’installer entre les deux filles. Garrel capte des états émotifs extrêmes sur les visages de ses actrices, jouissance sexuelle ou crise de larmes. L’Amant d’un jour clôt une série de trois longs métrages consécutifs en noir et blanc et au format cinémascope 2.39 : 1 initiée avec La Jalousie en 2013 puis L’Ombre des femmes en 2015. Après la névrose et la libido féminines, Garrel s’intéresse ici à l’inconscient d’une jeune fille et au complexe d’Electre, « complexe d’ Œdipe au féminin » selon Freud. L’Amant d’un jour est aussi un beau film sur les difficultés du couple et la question de la liberté. Esther Garrel dans son premier grand rôle – le cinéma de Garrel est une affaire de famille – et la nouvelle venue Louise Chevillotte apportent une sensualité réjouissante au film, une grâce juvénile. Garrel semble renoncer ces derniers temps au désespoir qui était la marque de la plupart de ses films et s’achemine vers un cinéma plus apaisé. Cela n’enlève rien à leur terrible justesse sur les relations amoureuses. Garrel excelle dans description des blessures que s’infligent les hommes et les femmes, mais il teinte son propos d’humour et d’espoir. L’Amant d’un jour confirme l’extraordinaire inspiration de l’un des plus grands cinéastes français en activité, dont la régularité et la fidélité à des histoires intimistes ne sont en aucune façon un signe d’essoufflement ou de redite.

 

L’Amant d’un jour sort le 31 mai dans les salles françaises (SBS distribution).

Louise Chevillotte dans L'Amant d'un jour de Philippe Garrel

Louise Chevillotte dans L’Amant d’un jour de Philippe Garrel

 

 

 

 

 

Catégories : Actualités · Coproductions

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