Remous (1933) est un film à part dans le cinéma français des années 30, un trésor secret où s’expriment en toute liberté la personnalité et le talent hors du commun de son auteur, Edmond T. Gréville.
Remous est un drame mondain qui détone par son sujet et sa forme. Le film traite de l’impuissance masculine, rarement abordée au cinéma. Un ingénieur victime d’un accident de la route durant son voyage de noces se retrouve diminué physiquement, avec des séquelles inguérissables. Il ne pourra plus faire l’amour avec sa femme. Le film raconte la tragédie de ce couple qui avait tout pour être heureux. L’épouse, toujours amoureuse de son mari mais taraudée par le désir sexuel finira par céder aux avances d’un séduisant sportif plein de vitalité. Remous est adapté d’un roman, A Kiss in the Dark de Peggy Thompson. Mais l’influence de L’Amant de Lady Chaterley de D.H. Lawrence (publié en 1928) paraît probable dans cette grande réussite de Gréville, cinéaste intéressé par l’érotisme, qui s’attaque à un véritable tabou avec beaucoup de délicatesse et sans la moindre vulgarité. Au-delà de l’audace de son sujet, Remous surprend par son style expérimental et une approche très visuelle de la narration qui s’apparente au cinéma pur. Le film ne contient que peu de dialogues, remplacés par des images et des symboles, des inserts qui reviennent tels des leitmotivs musicaux. Cette forme musicale et souvent abstraite est fort originale dans le cinéma commercial français des années 30. Le film possède une étonnante beauté, décelable aussi bien dans les plans d’éléments naturels que dans la mise en scène des visages et des corps. Ce souci formaliste se rapproche parfois du surréalisme – Gréville admirait Buñuel – et de l’avant-garde muette. Cela n’empêche pas Remous d’être un film très émouvant, et remarquablement interprété. C’est souvent l’art du montage qui confère aux regards des acteurs, à leurs expressions et mouvements du corps une émotion particulière, chargée de sens et de désir.
Le traitement de la sexualité, de sa répression et de son épanouissement, est extraordinaire. On a eu raison de qualifier Remous de mélodrame sexuel. On peut aussi le considérer comme l’un des chefs-d’œuvre d’un cinéaste trop méconnu, dont la filmographie confinée dans les marges de l’histoire du cinéma français – et anglais – recèle plusieurs titres à redécouvrir d’urgence.
Remous est désormais disponible en DVD, édité par Doriane Films.
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