Olivier Père

Terreur sur la lagune de Antonio Bido

Quand Antonio Bido réalise Terreur sur la lagune (Solamente nero) en 1978, la messe est dite. En Italie, le cinéma populaire s’étiole, le cinéma d’auteur traverse une grave crise, c’est toute l’industrie qui s’écroule, sapée par de nombreuses faillites et la concurrence sauvage de la télévision. La production commerciale sombre dans la médiocrité, et les artisans qui avaient fabriqué à la chaîne westerns, polars et comédies allaient bientôt accepter de tourner n’importe quoi, avant de se reconvertir dans des téléfilms et du « direct to video » bas de gamme. Antonio Bido est visiblement arrivé trop tard pour faire œuvre, et sa filmographie va mourir dans l’œuf après des débuts sous le signe du « giallo », cette mode du thriller violent qui envahit les écrans transalpins à partir du triomphe de L’Oiseau au plumage de cristal en 1971. Terreur sur la lagune sept ans plus tard vient plus ou moins clore un âge d’or du « giallo », supplanté dans le cœur du public des salles de quartier par les films fantastiques sanguinolents, avant la conclusion définitive opérée en 1983 par Argento lui-même, avec le génial Ténèbres.

Terreur sur la lagune reprend à son compte plusieurs ingrédients immuables du « giallo » sans rien prétendre révolutionner : série de meurtres sadiques avec gants de cuir noir et accessoires tranchants ou contondants, faux coupables, traumas enfantins, pièces à conviction, fétiches psychanalytiques et secrets familiaux, sur fond de puritanisme dévoyé, de vices cachés et d’hystérie religieuse. Bido respecte le cahier des charges avec une ferveur cinéphile et un certain talent, sans cacher sa dette à Argento mais aussi Fulci, Lado et quelques autres. Son film se déroule à Venise (ou plutôt sur l’Ile de Murano, dans la lagune), déjà théâtre d’une belle réussite du genre, Chi l’ha vista morire? d’Aldo Lado. Le réalisateur tire profit de l’atmosphère vénitienne, ses canaux, ses palais décatis et ses ruelles sombres pour instaurer une ambiance lugubre. La musique est signée Stelvio Cipriani, avec des sonorités électroniques dans les scènes de paroxysme qui évoquent le rock lourd des Goblin. Il ne faut pas être devin pour comprendre que ce pauvre prêtre interprété par Craig Hill, un acteur américain au bout du rouleau qui termina sa carrière dans d’obscures productions espagnoles, a beaucoup à se reprocher, mais cela ne gâche pas le plaisir que l’on peut prendre à Terreur sur la lagune.

Terreur sur la lagune de Antonio Bido

Terreur sur la lagune de Antonio Bido

 

Comme de coutume Le Chat qui fume permet de revoir ou de découvrir ce film bis italien dans d’excellentes conditions techniques, loin de l’image délavée et recadrée des défuntes éditions VHS – Terreur sur la lagune est le titre vidéo d’un film demeuré inédit en salles en France à notre connaissance. Ce combo DVD et Blu-ray propose de nombreux suppléments de qualité et le CD de la bande originale. En attendant que Le Chat qui fume mette en vente son édition très attendue de La Longue Nuit de l’exorcisme de Lucio Fulci, qui n’a rien à voir avec Venise mais possède au moins un point commun avec Chi l’ha vista morire? et Terreur sur la lagune

Terreur sur la lagune de Antonio Bido

Terreur sur la lagune de Antonio Bido

 

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