Olivier Père

Missing de Costa-Gavras

ARTE diffuse Missing (1982) de Costa-Gavras, sous-titré “Porté disparu” lors de sa sortie en France, lundi 30 janvier à 23h30. Pour son premier film américain et en langue anglaise, Costa-Gavras renoue avec les fictions politiques anti totalitaires qui l’imposèrent sur la scène internationale dans les années 70. Il y a pourtant une différence entre Z et Missing, produit par un studio hollywoodien. Le premier adoptait un ton souvent à la lisière du grotesque et transposait le putsch des colonels grecs dans un pays méditerranéen imaginaire. Missing colle davantage à la réalité : le scenario s’inspire d’une histoire vraie, la disparition d’un journaliste américain lors du coup d’état du 11 septembre 1973 du général Pinochet contre le président Salvador Allende. Costa-Gavras réutilise la structure en flash-back de Z, L’Aveu ou Etat de siège, mais la forme de Missing est beaucoup moins morcelée, et l’approche plus émotionnelle. Ce n’est plus un journaliste ou un juge qui enquête sur les basses manœuvres de la dictature ou de la CIA, mais le propre père du jeune journaliste, venu rejoindre l’épouse de ce dernier. Les mécanismes de la prise de conscience d’un personnage témoin, et de l’identification du spectateur à ce personnage, inhérents à la fiction de gauche, concernent ici un bourgeois américain bon teint et conservateur, ignorant tout de l’intervention souterraine des Etats-Unis pour stopper l’émergence des démocraties socialistes en Amérique Latine. Cet Américain modèle est brillamment interprété par Jack Lemmon – dans un rôle à la James Stewart – aux côtés de la toujours émouvante Sissy Spacek (photo en tête de texte). Costa-Gavras reste fidèle à sa conception du cinéma d’intervention et de dénonciation, qui adopte l’efficacité du thriller pour délivrer des informations inconnues du grand public. Le style de ce film-dossier est sobre, mais se permet quelques images allégoriques, telles ce cheval blanc perdu dans les rues de Santiago ou l’amoncellement cauchemardesque de cadavres dans les sous-sols d’un hôpital. Missing capte avec intensité l’atmosphère de peur qui s’empare de Santiago sous le couvre-feu, sillonnée par les troupes de Pinochet.

L’agent secret américain qui aida la junte militaire à préparer le putsch contre Allende, représenté par le personnage de Ray Tower, a poursuivi la société Universal Pictures et Costa-Gavras pour diffamation à la sortie du film. La cause s’est terminée par un non-lieu. Dix ans après le coup d’état, le peuple chilien était toujours sous le joug d’une dictature sanglante, victime d’une répression impitoyable, et le nombre des morts et disparus encore sous silence. C’est dans un contexte tendu que le film fut tourné et qu’il remporta la Palme d’or et le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes en 1982, édition politique qui récompensa également Yol de Ylmaz Güney.

 

Profitons de la diffusion de Missing pour signaler le premier volume de l’œuvre complète de Costa-Gavras éditée en DVD et blu-ray par ARTE. Le coffret déjà paru en décembre 2016 réunit les neuf premiers longs métrages de Costa-Gavras, parmi lesquels Missing, tous en version restaurée et accompagnés de nombreux suppléments. Nous aurons l’occasion de revenir avec le cinéaste sur ses deux premiers films, Compartiment tueurs et Un homme de trop, prochainement diffusés sur ARTE.

 

 

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