Olivier Père

La Mort de Louis XIV : entretien avec Albert Serra

A l’occasion de la sortie en France mercredi 2 novembre, dans 51 salles de cinéma, de La Mort de Louis XIV d’Albert Serra (photo en tête de texte © Bertrand Noël), distribué par Capricci, voici un entretien passionnant avec le cinéaste catalan réalisé par Jean-Jacques Manzanera, collaborateur à artpress, que nous reproduisons avec son aimable autorisation.

La Mort de Louis XIV est un film soutenu par ARTE Cofinova.

 

Comment en êtes-vous arrivé à concevoir un film consacré à un sujet aussi rarement évoqué que la toute fin du règne de Louis XIV, après Histoire de ma mort ?

Albert Serra : Ce projet est né avant Histoire de ma mort et fait suite à un travail entrepris lors de mon invitation à la Dokumenta de Cassel autour de la culture allemande qui voyait se côtoyer des figures aussi différentes que Fassbinder et Hitler. Je désirais poursuivre cette réflexion sur la culture européenne cette fois versant français lors de mon passage au Centre Pompidou. Je me suis mis à relire Saint-Simon que j’aimais déjà beaucoup et ai pensé par la même occasion à la figure de Louis XIV. Thierry Lounas a pensé que cela pourrait coïncider avec une intervention de Jean-Pierre Léaud dans le cadre d’une sorte de performance à définir. Il s’agit donc plus d’un désir d’expérimentation plus que l’idée concrète de faire un film mais le projet a évolué après mon précédent film devenant moins conceptuel et pour le coup pleinement organique : il s’agissait de s’approcher au plus près de l’intimité de Louis XIV. Je conservais mes habitudes de tournage à plusieurs caméras mais cette fois dans un espace plus concentré et avec des éléments scénaristiques précis.

 

Il me semble particulièrement intéressant que vous vous inspiriez d’un écrivain aussi éminemment français que l’est Saint-Simon. Pouvez-vous revenir plus longuement sur cette référence ?

AS : Les sources, quelles qu’elles soient, sont un simple point de départ que j’oublie ensuite. Il y a néanmoins chez Saint-Simon des valeurs d’introspection psychologique avec tous ces intérêts cachés qui se terrent derrière chaque phrase, chaque geste, chaque regard. C’est là un aspect qu’on voit moins dans mon film, car cela manquerait d’intérêt visuel. Cela relève davantage de la littérature. Il me fallait trouver un mystère sous-jacent chez l’écrivain : traquer la vérité d’un visage, car ce sont des questions visuelles qui priment.

 

J’aimerais rebondir sur l’importance de sensations et des textures. Quel rôle ont joué les objets ?

AS : J’étais obsédé par le fait de ne pas pouvoir tourner à Versailles. Je tenais beaucoup à préserver quelques idées clés. Il me fallait atteindre l’essence d’un lien entre espace, perruques, costumes de façon à toucher du doigt un Versailles plus réel que le vrai. J’ai regardé un certain nombre de films sur l’époque pour voir comment étaient utilisés les décors et costumes mais j’ai constaté qu’il y avait un manque de réalité organique. Il me fallait atteindre une intimité quasi choquante avec le corps de ce roi mourant.

 

La Prise de pouvoir par Louis XIV de Roberto Rossellini a t-il compté dans votre construction du film ?

AS : Cela ne m’a pas intéressé ou alors pour faire un film contre celui de Rossellini. Je trouve ma force dans l’idée de faire un film contre la tradition, car trop la respecter serait paralysant. Je n’ai vu tous ces films que dans l’idée d’éprouver presque de la haine envers des œuvres du passé avant même de les oublier. Cela m’a donné la volonté de faire sérieusement mon projet. Je crois qu’il s’agit d’une stratégie personnelle pour me faire avancer. Dans le Rossellini, la mort de Mazarin pourrait évoquer fugitivement mon film mais ni le sien, ni celui de Guitry et encore moins les films hollywoodiens ne me semblent très convaincants.

 

La différence première n’est-elle pas que vous avez devant votre caméra Jean-Pierre Léaud ?

AS : Ce n’est pas si clair et si simple au moment de la conception du film. Maintenant on peut voir que cela fonctionne, mais avant, nul ne pouvait savoir si ce serait une réussite ou une catastrophe. Sur mes autres films, tels Honor de cavalleria, je me disais en voyant me acteurs que le film était déjà quasiment fait en voyant fonctionner ensemble les deux acteurs. Ici, c’était plus difficile, parfois très tendu.

 

Je trouve très touchante dans divers entretiens l’importance que vous accordez à une forme de « grâce » sur le plateau.

AS : Je n’ai pas de garantie solide sur un tournage. Avoir la foi est tout ce qu’il me reste. J’ai beau mettre en jeu la rationalité mais trop de prévisions tuent la possibilité d’éviter les clichés et le formatage. Je deviens ainsi le spectateur de mon propre film, je suis comme un créateur d’atmosphère qui découvre sur le plateau la possibilité de déplacer les lignes du projet. Si cette grâce arrive, c’est que c’est tout ce qu’il nous reste ! On en arrive à laisser converger tous les éléments vers ce moment.

J’avais été frappé par deux points lors du tournage : la qualité de la lumière et la force du silence qui régnait sur le plateau.

AS : J’avais l’obsession de ne pas arriver à créer un décor assez cinématographique et organique. Je craignais un décor théâtral ou télévisuel. J’ai pensé très vite que le son direct qui venait de l’extérieur, de la fenêtre ouverte devait continuer à vivre autour de l’espace de la chambre. Cette concentration sur le plateau devait dialoguer avec la vie du château : mouches, oiseaux, musiques, bruits divers… Je voulais que chaque petit détail sonore ou visuel puisse avoir son espace d’existence propre dans un tout. Bien sûr, même si je suis adepte du son direct, par petites touches, la postproduction ajoutait des éléments subtils, à peine visibles afin d’enrichir cette texture sonore.

Pour la lumière cela va dans le même sens : je tenais à conserver une unicité organique au film. La lumière jouant sur l’obscur permettait de plonger le lieu dans une ombre qui gommait les éventuels défauts tout en donnant une plus value baroque à l’ensemble. Je disais au chef opérateur de faire vite la lumière : une lumière trop changeante déconcentre les acteurs qui pourraient être particulièrement inspirés. Je ne travaillais pas dans le sens d’une sorte de préciosité esthétisante. Je gagne plus en visant l’inspiration des acteurs, en profitant de ce moment pleinement qu’en peaufinant artificiellement la lumière. Et par ailleurs j’ai une confiance absolue en mes techniciens. Je ne veux pas voir de moniteur car j’ai mes idées générales assez précises qui me suffisent sans ce contrôle. Il faut privilégier la continuité même si on change de décors ou de costumes. J’ai travaillé comme maçon quand j’étais jeune : mon chef me disait alors qu’il fallait travailler bien mais vite ! Cette idée a dû faire son chemin… Travailler vite, plus que faire des économies ou aller manger plus vite, c’est pouvoir être au service de acteurs et cela fait la différence entre un film correct et un film inspiré.

 

Un scène m’a frappé, c’est celle où Louis XIV fait brûler les papiers contenus dans une cassette qu’on retrouve en quelques lignes chez Saint-Simon. Il se passe beaucoup de choses : on ne sait absolument pas ce que pense le roi. Son visage est impénétrable.

AS : J’aime beaucoup ce que vous dites. Un ami m’a dit qu’arrivé au lit on ne savait plus ce qui se tramait alors qu’on saisissait le reste des intrigues avec les médecins, avec Mme de Maintenon. C’est comme si on approchait l’abstraction du pouvoir absolu qui par définition serait abstrait car absolu. Cette scène traduit je pense de manière graphique un fait essentiel et universel de l’exercice du pouvoir. Je pense avoir ainsi traduit de manière graphique cette énigme du pouvoir. Et je disposais en la personne de Jean-Pierre l’acteur idéal : il est très précis dans ses gestes mais son visage peut demeurer impénétrable, il semble parfois très « lointain ». Il y a comme une véritable contradiction entre son regard et ses gestes tout à fait fascinante.

 

Vous me semblez avoir fait bouger avec ce film votre « système » de troupe d’amis non professionnels. Ici vous avez confronté un acteur connu voire mythique à d’autres professionnels mais aussi à des amis liés à la création dans d’autres domaines tels Jacques Henric ou des non professionnels.

AS : Mon système est assez simple : je tourne toujours à trois caméras dans la continuité sans regarder les images et donc en multipliant des essais, de multiples variations de telle scène. Tout est affaire de rythme et les autres acteurs ressemblent à mes acteurs habituels : l’apport d’acteurs professionnels tels que Patrick d’Asumçao est un plus dans la réécriture parfois improvisée des dialogues. Ils ont trouvé des formulations élégantes, qui ne deviennent pas « rhétoriques » : on n’est pas dans du théâtre classique mais on reste néanmoins dans une formulation élégante et précise qui nous plonge dans le passé. Je recherchais ainsi dans cet écart une forme de fantaisie historique. Cela aurait été impossible avec des acteurs exclusivement non professionnels. J’aurais fait le film en espagnol, j’aurais tout autant fui le côté rhétorique de la langue : cela aurait posé souci. J’aime tout autant repérer mes acteurs dans des bars de village que faire appel à des professionnels désormais.

 

Toujours dans cette idée de l’entre deux, cette fois du côté de l’organisation de l’espace, j’ai été frappé par les très beaux plans liminaires sur les extérieurs. J’aurais voulu savoir si ce choix d’un resserrement sur la chambre royale n’est venu que progressivement dans le projet ou s’il était là dès l’origine.

AS : Cette scène d’extérieur désormais réduite à deux ou trois plans était plus longue. On avait aussi tourné une scène où le roi souffrant était installé sur une chaise roulante mais c’était quasi rien de plus. Nous étions donc dans cette idée de l’intérieur depuis le projet d’installation pour Beaubourg avec des spectateurs qui auraient observé Jean-Pierre Léaud en Louis XIV enfermé dans une cage de verre. J’ai eu la tentation d’aller dans d’autres pièces mais au final ces histoires de conspiration qui font sortir de la chambre n’ont que peu d’intérêt compte tenu du point de vue sur lequel je voulais porter mon attention. Il fallait que le monde extérieur existe depuis la chambre via des bruits, des rumeurs parfois vagues.

 

Du coup le seul plan avec vue sur la fenêtre acquiert une force peu commune…

AS : Et en plus on entend dans la bande sonore comme des coups de canon, une musique diffuse qui évoquent la guerre et le rôle de chef d’état. Cela a un côté onirique qui me plaît beaucoup avec la beauté du paysage. J’aurais même peut-être pu faire durer plus ce plan.

 

J’ai l’impression que la phase de montage a été complexe compte tenu du fait que vous avez opté pour un film plus découpé que d’accoutumée.

AS : Je pense que le film précédent était plus complexe encore avec son fourmillement d’idées qui allaient et venaient, étaient ou non poursuivies. L’unité de temps, de lieu et d’action pour La Mort de Louis XIV a facilité la tâche mais il nous fallait viser la plus grande précision possible : c’était là la garantie d’atteindre cette idée d’un tout profondément organique. La maladie et son évolution étaient très structurants : de moins en moins de mouvement, un resserrement minutieux vers un lit que le roi ne quitte progressivement plus. Il y a eu un moment que Thierry ne voulait pas garder car il y voyait une blague un peu horrible, c’est ce passage où le valet s’excuse de s’être brûlé auprès du roi quand il doit brûler ses papiers : j’y vois par accident un signe de soumission très net. Dans le montage, il y a un point que je trouve formidable c’est le flux qui guide les 45 dernières minutes : des personnages vont et viennent, le temps devient diffus mais le son n’est pas interrompu, créant un continuum, un flux mental narratif. C’est peut-être une manière d’accompagner le roi dans son sentiment de confusion final qui devient sensuel. J’ai été ravi que malgré le sujet les spectateurs se soient accrochés au film peut-être grâce à ce flux qui se coule dans le rythme de la maladie.

 

Vous avez évoqué la collaboration avec Thierry Lounas votre producteur qui semble avoir participé de très près au projet.

AS : J’ai écrit un traitement scénaristique que Thierry a traduit mais la base de notre écriture commune, c’est une synthèse de nos diverses recherches littéraires et historiques. Après, les inventions se sont en partie créées lors du tournage selon ma méthode usuelle. J’ai ajouté par exemple la scène où Fagon veut faire embastiller le médecin charlatan, scène que j’aime beaucoup. Ce qui concerne les dialogues entre médecins, entre le valet et Fagon sont le résultat des improvisations que j’ai beaucoup aimé créer. Je ne pense pas que le style de ce film soit fondamentalement différent de celui des autres. La seule vraie différence est très matérielle et tient à la question des horaires : les impératifs temps se sont imposés avec les horaires du château, les horaires des comédiens alors que d’habitude, je suis d’abord l’inspiration des comédiens quitte à finir tard. Thierry avait une solution simple : il me fallait commencer plus tôt pour finir à l’heure ! Mais, dans l’idéal, l’heure de fin de tournage ne devrait tenir qu’à l’ambiance de plateau, pas aux considérations matérielles.

 

Ce plateau très particulier, à savoir une salle à réaménager entièrement dans un château classé, était-ce une chance ou une pure contrainte ?

AS : Au début, c’était très contraignant, mais à la fin ce devint assez facile. Il aurait été a priori plus simple de choisir un studio classique ou une grande ferme de plain pied. Ici on ne pouvait aménager l’étage du dessus ce qui était complexe notamment pour installer les éclairages en hauteur.

On a été certes bien accueilli, bien logé mais côté pratique, on peut rêver plus simple. Construire ce décor historique ex nihilo était un défi immense et le budget était très serré. J’étais inquiet face au problème de la crédibilité des tissus, du bois, si indispensables pour créer le côté organique du film dont je vous ai parlé avant.

 

Vous avez toujours opté jusqu’à présent pour des films conjugués au passé que ce soit pour un matériau historique, littéraire voire mythique. Est-ce un choix prémédité  ?

AS : C’est arrivé par chance. Il y a un côté amusant, fou dans ces tournages où j’entraîne mes acteurs qui souvent sont des amis : ils se déguisent, les gens sont plongés dans une situation si étrange qu’ils sont amenés à se dépasser. Ce mélange entre fantaisie et dimension historique crée une rencontre entre réalisme et artifice qui me convient pleinement. Le prochain film devrait être contemporain, avec une exploration de l’art contemporain et ce sera là la fantaisie du film. J’aime être à la limite de la vraisemblance tout en faisant appel à des acteurs dotés d’une présence forte. Il y a création d’une dramaturgie naturelle liée au corps, au visage de acteurs qui créent un univers singulier avec les éléments mis en place au préalable. Je crois à une forme de dramaturgie de la présence de l’acteur, pour reprendre les mots de Jean Douchet, et tout se passe comme si cette présence contaminait tout ce qui l’entoure.

 

Je m’interroge d’ailleurs sur votre rapport à l’art contemporain.

AS : J’ai fait des films pour Beaubourg pour le pavillon de la Catalogne lors de la Biennale de Venise que vous pourrez voir un jour, je l’espère. Là, on fait des films où les idées narratives, les acteurs vont dans des directions folles comme dans Out 1 de Rivette qui vient de ressortir avec son format extravagant. On peut explorer des idées absurdes dans l’art contemporain qu’on ne pourrait pas introduire dans le cinéma. Par exemple, j’ai conçu un film dans ce cadre de l’art contemporain avec une perspective narrative contrairement à d’autres installations purement plastiques, placées sous le signe du pur dispositif comme les travaux d’Apichatpong Weerasetakul.

Je continue en somme à faire des films en toutes circonstances et l’art contemporain me permet une plus grande liberté où l’absurde est accepté voire encouragé car il peut être enrichissant. Jugez sur pièces : à Venise j’ai imaginé un récit de treize heures qui commence dans les années 30 et s’achève de nos jours ayant pour cadre une Irlande où s’affrontent deux compagnies minières, l’une en vient à créer un bordel en pleine ambiance de concurrence, histoire de compléter ses sources de profit. Le problème principal est que les mineurs sont tous homosexuels, parallèlement les « gardiennes » sont exclusivement lesbiennes. Du coup, cela devient un lieu étrange d’inspiration pour des artistes qui viennent s’y installer pour créer, travailler dans la mine devenant une forme artistique à part entière. La question de la recherche du minerai rejoint la question du contrôle et de la surveillance des mineurs par des drones dans l’épisode contemporain dans une ambiance quasi mélodramatique à la Fassbinder.

Comment produire un tel film au cinéma ? Dans ce mélange entre artifice du récit et sauvagerie des acteurs qui font croire à cet impossible, je crois que le film emporte l’adhésion, la foi du spectateur.

 

Oui, le cinéma n’est-il pas d’abord un acte de foi ?

AS : Bien sûr. C’est sûrement lié à sa nature de théâtre d’ombres et de lumière : on est loin de la distanciation de l’art contemporain. Le cinéma est un acte de foi. Je trouve surtout dans ces expériences la possibilité de me concentrer sur le pur plaisir de créer sans chercher une forme forcément homogène.

 

Vous me semblez pourtant avoir trouvé aussi cette liberté au cinéma avec quelques uns de vos contemporains tels Alexandre Sokourov.

AS : Mais le vrai problème c’est que la radicalité rend le montage des films pour le cinéma difficiles.

 

Vous serait-il possible de mentionner des artistes, des cinéastes en particulier, qui vous ont accompagné dans votre propre parcours créatif ?

AS : Je pense beaucoup plus spontanément à des écrivains ou des musiciens qu’à des cinéastes. De manière générale, l’attitude des artistes m’inspire plus que l’œuvre en soi. Beaucoup de créateurs des années 60 ont créé une dynamique qui me nourrit, c’est ce que décrit l’essai extraordinaire d’Amos Vogel Le cinéma, art subversif traduit chez Capricci. C’est le livre de cinéma qui m’a le plus influencé. Les réalisateurs décrits dans le livre m’ont beaucoup inspiré. Je ne suis pas étranger non plus à des grands classiques tels Ford ou Mizoguchi, au grand cinéma italien des années 60 : tout cela participe d’un cinéma populaire et fort, voire humaniste. D’autres films ont travaillé dans un sens plus abstrait, révélateur comme Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, avec leur capacité à ouvrir des perspectives différentes : montrer des beautés cachées liées au langage, au théâtre.

J’aime beaucoup les réalisateurs fous tels Fassbinder ou Warhol auxquels je pense pour le travail avec les acteurs. Carmelo Bene bien sûr quand bien même mes films sont très différents.

L’héritage est souvent invisible : voyez Ford, j’y ai trouvé le plaisir de la troupe d’acteurs. Et il y a les grands lyriques comme Murnau qui m’ont fait voir la poésie du cinéma : cela est très important de pouvoir penser le film comme un poème.

Il y a des cinéastes contemporains qui me plaisent par leur radicalité expérimentale : Weerasetakul par exemple a ouvert le cinéma sur des possibles jusqu’alors réservés à l’art contemporain.

 

Il y eut aussi la rencontre avec Lisandro Alonso ?

AS : Oui à un moment nos routes se sont croisées y compris stylistiquement mais je tiens à me renouveler de projet en projet. Je vais chercher à ne pas reproduire la rigueur très tenue de La Mort de Louis XIV dans le suivant. C’est toujours le prochain tournage qui me passionne et du coup la question de l’influence me pose question et problème.

Comme disait Dalì tout m’influence mais rien ne me change. J’admire les artistes qui arrivent à imposer leur vision même si a priori elle peut ne pas être acceptée. Cela ne sert à rien de faire ce qu’on attend de nous dans les festivals, au box-office : il faut imposer son style et obliger les spectateurs à suivre le cheminement qu’on choisit.

 

Entretien réalisé par Skype le vendredi 30 septembre 2016. Retranscrit par Jean-Jacques Manzanera, relu par Géraldine Arnoux. Cet texte est reproduit avec l’aimable autorisation d’ECLA Aquitaine et de Jean-Jacques Manzanera.

La Mort de Louis XIV de Albert Serra

Jean-Pierre Léaud dans La Mort de Louis XIV de Albert Serra

 

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